Qui avait dit « pas de prêt-à-penser, de prêt-à-purger » de la délinquance ? Joël Garrigue himself, lors de l’inauguration de l’extension de l’Etablissement de Placement Educatif Dago Tama à 12 places. C’était en janvier 2015, et il rappelait alors que la prison devait être un ultime recours « qui, sans travail sur la réinsertion, sur un projet de vie, triple le risque de récidive ».
Deux ans après, les chiffres de la délinquance des mineurs n’ont pas fléchi, puisque les jugements du tribunal pour enfant se sont accrus d’un tiers. Et, en dehors de Dago Tama qui a pu accueillir 38 enfants sur l’année dernière, les structures et les moyens humains pour répondre aux alternatives à l’incarcération sont toujours déficients.
Pourtant, en fin d’année dernière, le Plan Sécurité présenté par l’alors ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve, proposait comme 15ème mesure sur 25, « des réponses renforcées et adaptées à la situation locale pour les mineurs sous main de justice et pour la prévention des passages à l’acte et des récidives. »
Le sénateur Thani sollicite le ministre de la Justice
« En l’absence de structures susceptibles d’assurer un relais et un travail d’insertion », il était notamment question de centre éducatif renforcé ou fermé, dont l’absence sur le territoire conduit à solliciter ceux de La Réunion, les engorgeant, et rajoutant un éloignement géographique à la complexité du retour à Mayotte. Des propositions qui devaient intervenir « dans les quatre mois ». Le Plan a été présenté en juin 2016…
Ce qui explique la déception du procureur lors de l’audience solennelle de lundi, qui rapportait que la Direction centrale de la Protection Judiciaire de la Jeunesse n’avait « pas déboursé un centime pour un centre éducatif. » Pendant ce temps, les signalements de mineurs se sont accrus de 518 en 2015 à 679 en 2016.
Etonné de son côté de ne pas voir de budget sur ce poste au projet de loi de finances 2017, le sénateur Thani Mohamed Soilihi a écrit en début de mois de février au Garde des Sceaux, Jean-Jacques Urvoas, lui expliquant qu’en matière de moyens de la Protection Judiciaire de la Jeunesse « les besoins sont constants, et qu’il convient prioritairement d’étayer l’offre de placement pénal en proximité ».
Deux unités, au nord et au sud
Selon les informations recueillies par le JDM, tout ne serait pas perdu, et « le dossier est en cours d’instruction », nous fait-on savoir. Rendez-vous dans quelques semaines. La réflexion avait déjà été menée sur deux petites unités, l’une au nord, l’autre au sud de Mayotte.
Une solution couteuse, entre 500 et 700 euros par jour et par jeune, qu’il faut mettre en parallèle avec la souffrance et le coût pour la société, le jeune et sa famille, d’une dégradation de comportement qui résulterait d’une absence de prise en charge adaptée.
Un centre éducatif renforcé est une structure d’hébergement collectif destinée aux mineurs délinquants en grande difficulté ou en voie de marginalisation qui ont besoin, pour un temps limité, d’être éloignés de leur milieu habituel. Des activités éducatives et pédagogiques intensives leur sont proposées pour les maintenir en activité. Le centre éducatif fermé s’adresse lui, aux mineurs multirécidivistes. C’est une alternative à l’incarcération.
Impliquer les parents
A Mayotte, différentes mesures existent déjà, en fonction de la gravité de la peine. De l’accompagnement de la famille (notamment sur les abandons de parentalité), au placement en famille d’accueil, en passant par les mesures éducatives en milieu ouvert comme Dago Tama, ou dans les unités de jour de la PJJ. Mais en quantité insuffisante, le taux de fréquentation du quartier des mineurs de la prison en est la preuve.
D’autres idées éclosent. Celle des séjours de rupture, effectués dans des centres à l’étranger, au Maroc ou au Sénégal, déjà expérimentés par plusieurs jeunes de métropole, notamment par Ribinad dans le Finistère, permet de couper le jeune de son milieu familial quand c’est nécessaire. Une solution destinés au jeunes de nationalité française.
Expérience déjà testée avec succès par le Père Jaouen sur son Bel Espoir, la réinsertion à bord d’un voilier où les jeunes intègrent les équipages, est synonyme de contraintes, et de joies, que procurent la vie au sein de ces mini-sociétés. Une formation facile à mettre en place sur le lagon, et qui ne nécessite pas d’avoir une situation administrative en règle.
Des solutions pour contrer l’exclusion, mais qui doivent être suivies en aval de formations et d’insertion en emploi, pour ne pas créer un espoir sans lendemain.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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