« La Justice rendue par le peuple est infaillible », énonce une maxime qui nous vient tout droit du siècle des Lumières, comme nous l’avait rappelé Robert Ampuy, l’avocat général prés de la Chambre d’Appel de Mamoudzou, et qui justifie le recours à un jury populaire en Cour d’Assises. Ce sont des citoyens tirés au sort qui participent, aux côtés des magistrats professionnels, au jugement des crimes.
Une cour d’Assises qui peine à trouver des bonnes volontés à Mayotte. Ce qui justifie que les chefs de cour, la première présidente de la Cour d’Appel de Saint-Denis de La Réunion, Gracieuse Lacoste, en tête, aient sollicité récemment le concours des maires. En métropole, les jurés sont tirés au sort à partir des listes électorales.
Mais à Mayotte, les problèmes de nationalité, et de connaissance de la langue, impliquent une autre organisation : « Les jurés sont tirés au sort à partir d’une liste de personnes qui doivent remplir plusieurs critères : avoir 23 ans, ne jamais avoir été condamné, être de nationalité française, parler et lire le français », nous avait expliqué Robert Ampuy.
La Justice populaire sur un territoire où tout le monde se connaît
Alors que 6 assesseurs jurés étaient nécessaires pour juger en première Instance, la loi Egalité réelle vient d’en abaisser le nombre à 3, permettant de ne plus bloquer les audiences. Il en faut toujours 6 en appel. La défense peut récuser 1 juré en 1ère Instance et 2 en appel.
Difficile malgré tout de trouver des assesseurs jurés, et les maires ont été sollicités pour désigner parmi leurs concitoyens, des personnes répondant aux critères. Une fiche pratique leur sera adressée. Les maires ont répondu favorablement à l’appel tout en s’interrogeant sur cette difficulté de trouver du monde. Saïd Omar Oili, le président de l’Association des Maires de Mayotte (AMM), a une explication : « Nous sommes sur une petite île, tout le monde se connaît. Le maire de Bouéni a avancé qu’un juré avait été menacé. »
Ce qui pose le problème de l’existence de la justice populaire sur un petit territoire. Le juré ne doit en effet pas connaître l’accusé, et il ne faudrait pas qu’un lien, même distendu, n’influence un jugement par peur de représailles. « Surtout que le condamné ne sait pas qui a voté quoi. »
Les cadis comme assesseurs-jurés
« N’oublions pas que nous, Mahorais, avons une relation particulière avec la justice », poursuit Saïd Omar Oili, « nous avons déjà beaucoup de mal à déposer plainte, habitués que nous sommes à ce que tout soit arrangé par les cadis. » Les cadis justement, il les verrait bien comme assesseurs jurés, pour ceux qui maitrisent le mieux la langue française, « il faut en tout cas trouver une solution à l’engorgement de ce tribunal. »
Il y a urgence puisque ce sont 156 dossiers criminels qui sont actuellement en attente d’être jugés, selon les chiffres d’activité pénale fournis lors de l’audience solennelle du 20 février dernier. Or, la Cour tient 4 audiences par an, au cours desquelles sont traités environ 25 dossiers. Un tiers des dossiers ne sera donc pas traité dans le meilleur des cas, c’est à dire si des citoyens acceptent de siéger aux côtés des magistrats.
Rappelons que l’assesseur juré est sélectionné pour une seule affaire, soit 1 à 3 jours en moyenne. Un défraiement de 64 euros par jour est prévu, ainsi qu’un dédommagement de 15 euros par repas, et le remboursement des frais kilométriques ou du taxi. Il est possible d’adresser un courrier de demande au procureur tribunal* (courrier-type-dassesseur-jures-a-la-cour-dassise)
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
* Route Nationale 1 Kawéni
BP 106
97600 MAMOUDZOU
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