CARNETS DE JUSTICE. 80 dossiers de pilotes de kwassas étaient jugés ce mercredi matin au tribunal correctionnel de Mamoudzou. Trois d’entre eux concernaient un seul et même homme, présent car incarcéré à la maison d’arrêt de Majicavo.
Salle d’audience vide ce mercredi matin au Tribunal de Grande instance de Mamoudzou. La justice examinait le cas de 80 passeurs, des pilotes de kwassas dont les embarcations ont été interceptées dans les eaux territoriales de Mayotte. Salle vide, à une exception près : un homme, incarcéré à Majicavo et encadré par les gendarmes, est à la barre.
Il a été arrêté le 23 décembre dernier et a déjà été présenté au tribunal en comparution immédiate. Faisant valoir ses droits, il avait demandé un renvoi de l’affaire pour préparer sa défense. Mais ce matin, son avocat n’a pas fait le déplacement.
Comme l’ensemble des pilotes de kwassa, il est poursuivi pour «aide à l’entrée et au séjour d’étrangers en situation irrégulière», un chef d’accusation aggravé par «la mise en danger» des passagers transportés. L’actualité tragique de ces derniers jours l’a malheureusement rappelé, aucun équipement de sécurité ne se trouve à bord de ces embarcations : ni GPS, ni gilets de sauvetage, ni matériels pour signaler une difficulté de navigation.
Deux noms pour un même prévenu
L’Etat civil comorien a permis au prévenu de se présenter à la barre pour une seule affaire, mais ses empreintes l’ont trahi. Ce sont finalement trois dossiers qui le concernent lors de cette audience. Il a déjà été intercepté les 14 novembre et 4 décembre 2013 avec une autre identité.
Ce 4 décembre, il transportait 32 passagers. Le Président Rieux connaît bien les méthodes de ces transporteurs. Il pose des questions précises :
-Etes-vous venus à deux kwassas ou avez-vous fait le trajet depuis Anjouan avec une seule embarcation ?
-Le voyage s’est fait à deux kwassas. Les passagers ont été transbordés sur une seule barque vers la fin du trajet.
-A combien de kilomètres de la passe se déroule le transbordement ?
-Dès qu’on arrive en vue de Mayotte.
Prendre des risques pour gagner sa vie
Comme c’est toujours le cas dans ces affaires, il explique prendre des risques avec sa vie et celle de ses passagers pour nourrir sa famille. «A Anjouan, il n’y a pas de travail. C’est comme ça que je vis.» Invité à prendre la parole après le réquisitoire, il trouve la peine de 6 mois ferme requise par la procureure trop sévère. C’est pourtant celle que lui inflige le tribunal ainsi que 12 autres mois avec sursis. «Si vous revenez dans les mêmes conditions, prévient le Président, vous serez en état de récidive. Dans ce cas, la peine plancher est de quatre ans. Donc si vous vous faites prendre, vous devrez faire ces quatre ans, plus l’année de sursis. Ça fait cinq ans de prison.»
Le condamné reparti pour Majicavo, le tribunal enchaîne les 77 autres dossiers. Les prévenus ne sont évidemment pas présents, la plupart d’entre eux sont probablement rentrés à Anjouan.
44 passagers pour un, 16 pour un autre, 24 pour un troisième… Et puis, au milieu du lot, un cas particulier, un «kwassa de luxe». Lors de son interception, il n’y avait que quatre personnes à bord, des passagers prêts à payer 1.000 euros la traversée, pour s’assurer de meilleures conditions de sécurité.
Tous, sont condamnés à des peines allant de six à douze mois de prison avec sursis, assorties d’interdiction du territoire pour des durées généralement de trois ans.
RR
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