Pendant que le principal du collège de Mtsangamouji accueillait ce jeudi matin le vice-rectorat, des représentants de la mairie, des délégués de parents d’élèves et une délégation d’enseignants, devant l’établissement les discussions allaient bon train, « nous cherchons des solutions », explique un homme, tout de boubou vêtu. On débattait de l’implication de chacun dans l’éducation des jeunes. Le JDM a recueilli les propositions.
« Sur les 1.163 élèves de l’établissement, seule une vingtaine est intenable », lance un enseignant, « le cercle éducatif implique tout le monde, les parents, les professeurs, le principal. Si chacun n’œuvre pas à la place qu’il doit occuper, l’enfant s’engouffre dans cette brèche. »
Tout en pointant du doigt la parentalité, beaucoup ont des demandes à faire au principal, Laurent Capus. L’identification et la désignation impossible des fauteurs de trouble qui les offriraient à la vindicte populaire, sont pouratnt demandées par Madi Abdallah Hannati, Responsable de l’éducation à la mairie d’Acoua, dont plusieurs jeunes sont scolarisés à Mtsangamouji, pour pouvoir avancer : « Nous voulons rencontrer ces familles pour travailler avec elles. »
« Si on l’attrape, on va finir à Majicavo »
Mais à Mayotte, dans les villages, tout le monde se connaît. Ousseni Hamada, dit « Sergent », s’agite au centre d’un cercle de parents : « Nous croulons sous les problèmes de délinquance avec une justice qui ne peut pas faire grand chose. Nous avons fermé le lycée de Mtsangadoua parce qu’un seul jeune, connu des services de police, perturbait le fonctionnement. Il est majeur, les forces de l’ordre le cherchent alors qu’on le voit tous les jours au village. Si on l’attrape, on va tous finir à Majicavo. Pour Mtsangamouji, nous avons décidé d’aller voir les parents pour inciter leurs pères à réagir. »
Les tensions naissent pour des futilités, « pour un regard en croix, je suis mort », chante Calogero. « Ils ramènent tous des baffles, mettent de la musique, et parce que le mgodro va être plus bruyant que le rap, ça dégénère. Nous demandons aux parents de vérifier le sac de leurs enfants, et au principal d’interdire ce matériel dans le collège, mais à toutes nos demandes, il répond, ‘je n’en ai pas le droit’. Mais le jour où il y aura un mort, c’est lui qui n’aura pas eu le droit de laisser faire ça ! », explique au JDM un brin énervé, Noudjoum Madi Assani, le 3ème adjoint au maire de Mtsangamouji.
« Je présenterai la facture aux parents »
Ali Siaka, syndicaliste au sein de la société Matis, prend le relais, toujours entouré de nombreux parents : « Lundi après-midi, un bus a été caillassé à Acoua, le lendemain, deux à Mtsangamouji, certains au lieu de venir étudier viennent perturber. Les fouilles des sacs ne servent plus à rien, le chombo a été passé par dessus le grillage, et planqué dans le collège. Aujourd’hui, un coupe-coupe, demain ce sera une kalachnikov. » Il chiffre le coût d’une vitre latérale, 1.500 euros, « quand ils seront attrapés, il faut que leurs parents paient. »
L’adjoint au maire a déjà utilisé la sensibilisation, et la menace. Il compte convoquer les parents en mairie, « ce que j’ai fait il y a deux jours pour une école primaire, au sein d’une réunion de quartier. Les parents ont compris que si ça recommence, je ferai un devis des dégâts, et que je leur présenterai la facture. »
Ali Siaka accuse les mamans : « Elles pensent protéger leurs enfants en camouflant les délis vis à vis du papa, mais elles ne font qu’empirer la situation. »
« Sur 100 parents, que 10 papas »
On arrive au nœud du problème s’il on écoute un petit groupe qui disserte : « La première solution doit venir des adultes. On ne peut pas mettre un gendarme derrière chaque collégien. Chacun doit faire son autocritique. Nous les enseignants, en avançant les points positifs et négatifs, l’administration aussi, en évaluant l’impact d’un collège bondé qui déshumanise, et les parents qui ont leur large part de responsabilité. Ils doivent se rendre à l’école quand on les sollicite. Lundi, lors de la remise des bulletins, très peu étaient là, et sur 100 parents, il n’y avait que 10 papas. Il faut déjà convier les parents plus régulièrement dans le collège. »
Quand l’enfant est placé, ils demandent qu’une attention particulière soit portée sur la manière dont la famille d’accueil s’en occupe, « nous n’indexons aucune communauté, puisque elles gèrent des enfants mahorais comme comoriens, mais certains arrivent sales et mal habillés. » Ils évoquent aussi le cas de ceux qui ne mangent pas à la cantine, qui ne mangent d’ailleurs pas du tout, « ils sont susceptibles dès qu’on les bouscule. Les parents doivent investir pour leurs enfants. »
Trop de laxisme
Enseignants comme parents dénoncent un laxisme, « ceux qui arrivent en retard sont acceptés dans l’établissement, pas de problème donc pour eux ! Et quand j’étais scolarisé en métropole, au bout de 3 heures de colle, c’était l’exclusion temporaire. Personnellement, j’oblige à aller chercher un billet de retard et je demande toujours un justificatif en cas d’absence », explique un professeur d’histoire du collège.
Ces problèmes de parentalité peuvent se régler en passant par le village, nous expliquent-ils : « En dehors de Mamoudzou, il y a partout des chefs de village, qui tiennent des conseils des sages avec les plus âgés. Le principal peut exploiter cette piste, ça peut marcher. Les ‘sages’ convoquent les parents et leur expliquent que leurs enfants sont un danger pour la commune. L’objectif est le maintien de l’ordre, et ce recours à notre système informel permettrait de rester dans le droit commun. »
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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