C’était une torture que de devoir couvrir le Concours du Goût et des Saveurs du lycée professionnel de Kawéni : regarder passer sous son nez des plats plus appétissants les uns que les autres, aux doux fumets de poisson et de citron ou de vanille, pendant que les membres du jury faisaient à peine mine d’y toucher, pour effleurer d’un air entendu la quintessence de ses composants, tenait du surhumain.
Ils étaient 12 à concourir, 4 au bar, 4 en cuisines et 4 en pâtisserie, de différents niveaux scolaires, terminale CAP, 2ème année de CAP, Bac Pro, terminale technologie et terminale BTS. Pas de thèmes précis, « nous avons exigé 4 critères : des produits locaux, du poisson, le prix et la méthode de travail », explique Fabien Gimenez, professeur en génie culinaire, et aussi patron du restaurant le Panna Cotta.
«Messieurs, vous avez là un vivaneau sauce meunière, agrémenté de son gratin de fruit à pain à la papaye, et comme il faut toujours garder le meilleur pour la fin, nous avons un mtsolola à la mahoraise auquel j’ai voulu donner un volume supplémentaire en y déposant un surplus de carotte. » Le jeune Mohamed Soilihi est le candidat numéro 3, et, contrairement à la candidate précédente, il sait vendre son œuvre, et déclame campé sur ses deux pieds… Ce n’est pourtant pas lui qui sera le vainqueur.
Les larmes de fruits rouges
Le dos de vivaneau en deux façons sauce cidre émulsionnée et citronnelle, accompagné d’un Parmentier de purée de fruits à pain et pommes de terre et sa fondue de poireaux, aura été murmuré par Mahamoudou Chafion, mais aura remporté les faveurs du jury.
En cuisine, les élèves vont et viennent, « mais non, tu vois que ton plat est déjà trop cuit ! », lance le chef de travaux, « et vous, qu’est ce que vous faites ? Mais vous mangez ?! C’est n’importe quoi ! », s’exclame un prof. Un élève et prêt, mais le jury n’en a pas terminé avec le plat précédent, « met-le à réchauffer. » Mais quand il apporte son vivaneau cuit dans une feuille de bananier, catastrophe, rien n’est cuit, ni poisson, ni pommes de terre…
Dans leur espace climatisé, les élèves qui ont planché sur les desserts attendent. Lolita Méla nous détaille son dessert : « Il s’appelle ‘Larmes’. Parce que quand on casse l’habillage de chocolat, pour attaquer la mousse de fruit, un coulis de fruits rouges va se répandre. »
Préférez la jalousie en cocktail
En retournant vers la dégustation, c’est l’extase du côté du jury. Sûr qu’il vont valider un autre dessert, celui de Naila Mohamed Abdou, tellement fière qu’elle veut poser pour la postérité en nous présentant son socle en biscuits Speculoos sur lequel il a neigé de gros flocons de mousse au citron. Elle remportera en effet le 1er prix des desserts.
Au bar, c’est Diana Toihir Dini qui voit son cocktail couronné. Baptisé N’goma cocktail, qu’on pourrait traduire par un cocktail de jalousie, est composé de concombre, de banane, de jus d’ananas, de sirop de vanille et de mousse à la crème de coco.
Un concours qui n’a pu se tenir qu’avec l’accompagnement des partenaires Jumbo, Audim, Cosmebelle, Mahonet, Koropa restaurant, la Blanchisserie de Mayotte, Siemag, Sodifram, Ewa et Martret.
Et comme nous sommes fairplay, nous citerons ceux qui ont eu le bonheur de goûter à ces plats à l’évidence aussi bons que magnifiques, en grande partie des professionnels de la restauration : Malidé Azihary, Chef cuisinier au lycée agricole de Coconi, Saïd Ali Toihibou, adjoint au maire de Mamoudzou, Michael Araya, Chef de cuisine au restaurant le Rocher, Charles-Henri Mandallaz, Gérant de l’Orient Express, pour le jury n°1, et Clément Mahieu, Formateur cuisine au BSMA, François Dick, un ancien directeur général de Bolloré, qui à la retraite, a suivi 6 ans de formation en école hôtelière, Assani Chadhuili, Conseiller spécial du maire de Mamoudzou, et Catherine Ibanez, Inspectrice académique.
Quand les Chafion, Diana ou Naïla, et leurs comparses, vont se retrouver aux fourneaux, la restauration aura un avenir encore plus fleurissant sur l’île.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
Comments are closed.