Depuis le 1er janvier 2015, l’intégralité du droit commun s’applique à Mayotte en matière d’adoption. Mais ici, les enfants sont souvent ceux de la famille élargie, voire du village. L’oncle a souvent les mêmes prérogatives que le père biologique. C’est encore un domaine où le droit commun doit apprivoiser les coutumes, et vice-versa.
Nathalie Parent, la présidente nationale d’Enfance et Famille d’Adoption est actuellement à Mayotte, accompagnée d’une Administratrice de la Fédération, pour assurer la formation des professionnels dans ce domaine et sensibiliser le grand-public à ces dispositions d’adoption.
Le projet est soutenu par la préfecture à travers la DJSCS, et le conseil départemental. C’est à souligner, tant la Direction de la solidarité et du social était réfractaire dans le passé à transposer les possibilités d’adoption à Mayotte. Il y a eu 2 procédures d’adoption seulement en 2016 sur le territoire.
Des parents isolés
Bien sûr, il faut prendre des précautions, comme le souligne Nathalie Parent. « Ici, j’ai bien compris qu’on gère les enfants en collectivité. Pour être adopté, l’enfant doit recevoir le statut de pupille de l’Etat, c’est à dire qu’il n’a plus personne. Or, souvent, ils existent, aux Comores notamment. Dans ce cas, il faut qu’ils consentent à l’adoption. »
Etre pupille de l’Etat, c’est la dernière mesure dans l’échelle de la protection de l’enfant, « ce qui veut dire, qu’un nouveau lien de filiation est créé, irréversible dans le cas d’une adoption plénière. » Il acquiert dans ce cas automatiquement la nationalité française de ses parents. Sinon, il peut s’agir d’une adoption simple, « elle est révocable, la filiation est additive », elle vient en plus de celle de ses parents.
C’est une commission d’agrément de l’Aide Sociale à l’Enfance qui donne un premier avis, consultatif, « c’est le président du conseil départemental qui prend la décision finale. » Ses membres vont donc suivre la formation de deux jours proposée par Enfance et Familles d’Adoption, ainsi que ceux du Conseil des familles des pupilles de l’Etat, qui, par le biais du préfet, ont l’autorité parentale. « Ils suivent l’enfant, prennent des décisions médicales quand elles s’imposent, etc.
Un entre-deux, le kafala
Il est aussi possible d’adopter un enfant de plus de 2 ans directement, « l’autorisation est prononcée par le juge. »
« C’est complexe ici ! », lâche la présidente, « outre les parents qui sont expulsés en laissant leurs enfants, il y a les ‘kwassas scolaires’ de jeunes qui viennent étudier, qui sont seuls, mais pas forcément isolés. » Et le droit coutumier s’en mêle. Dans le Coran existe le kafala, qui remplace l’adoption, évoqué par beaucoup comme interdite dans l’islam. « Le kafala autorise d’élever un enfant comme si c’était le sien, mais ne crée pas de filiation. C’est assimilable à la délégation d’autorité parentale. Il ne peut pas se transformer ensuite en filiation. »
En 2016, 199 dossiers d’agrément ont été déposés, « la majorité des demandes sont émises de métropole ».
Les deux premiers jours de formation seront consacrés au fonctionnement de la Commission d’agrément et au Conseil des Familles, et la 3ème à l’évaluation psychologique d’un enfant, et aux risques de troubles, « un enfant pupille de l’Etat peut être adoptable juridiquement, mais pas dans sa tête », conclut Nathalie Parent.
Ce vendredi, un film de Lucien Jean Baptiste « Il a déjà tes yeux », sera projeté à 18h au cinéma Alpa Joe*, suivi d’un débat ouvert au public.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
* Tarif : 6€ pour les adultes, 3€ pour les enfants
Comments are closed.