Jusqu’à la création récente de la communauté d’agglomération Mamoudzou-Dembéni, la CADEMA, en janvier 2016, seul le Département avait la charge d’organiser les transports publics au sein de notre territoire, « Bienvenue à la CADEMA parmi les autorités organisatrices de transport », lançait en préambule le président du conseil départemental Soibahadine Ibrahim Ramadani.
En conséquence, et face aux difficultés précisément, les deux entités ont décidé d’unir leurs forces et de proposer un schéma de transports sur le mode deux en un. C’est à dire que les transports urbains (intra CADEMA) et interurbains (du département), vers le reste de l’île, seront complémentaires, et sur un système multimodal.
Un exemple pratique est livré par les techniciens : « Un habitant de Kani Keli qui doit prendre l’avion mais doit s’arrêter faire une course à Kawéni, prendra le transport interurbain, puis, urbain, puis la barge, à nouveau interurbain en Petite Terre, et tout cela, avec un seul et même ticket ! » Séduisant.
« La guerre des transports n’aura pas lieu »
Les enjeux sont connus et rappelés par Soibahadine Ibrahim Ramadani, et le président de la CADEMA et maire de Mamoudzou, Mohamed Majani: « La ville concentre à elle seule 25% de la population Mahoraise et 50% des emplois, il faut donc organiser le déplacement, et proposer un réseau structuré de transport public, inexistant à l’heure actuelle. »
Le maire de Mamoudzou relevait « le fossé qui se creuse entre la prise de conscience de la saturation du réseau et les choix individuels du Tout-voiture qui accroit chaque année ses parts de marché. »
Complémentarité entre les deux projets, mutualisation des moyens, interconnexion, étaient les mots qui revenaient lors de la présentation de la convention de coopération entre le département et l’intercommunalité, « la guerre des réseaux de transport n’aura pas lieu », déclarait Majani. Les taxis réguliers seront intégrés au schéma.
140 millions d’euros pour connecter l’île
Rappelons brièvement l’ossature des deux projets. Le conseil départemental avait prévu dès 2010 une partie terrestre, avec 3 lignes express partant de Dzoumogné au nord, de Chirongui au sud et de Coconi au centre, 5 lignes d’interconnexion vers les villages, auxquelles de rajoutent deux lignes maritimes, partant de Dembéni au sud et Longoni au nord, pour rallier in fine Petite Terre. L’investissement prévisionnel est chiffré à 50 millions d’euros.
La communauté de communes ACADEMA, porte un projet sur 5 km de transport collectif en site propre, c’est à dire qu’une voie leur est réservée, de Bus à Haut niveau de Services (BHNS), réputés pour allier flexibilité du transport, vitesse et fiabilité du réseau ferroviaire. Trois lignes de bus sont prévues, avec des pôles d’échange multimodaux au nord et au sud de Mamoudzou. Un investissement de 90,5 millions d’euros.
Le choix de ces techniques repose sur l’observation des erreurs commises dans d’autres DOM, « à La Réunion et à la Martinique notamment, où davantage de possibilités sont offertes aux voitures, et moins aux transports en commun. »
Prioriser cet investissement ici, à Paris, et à Bruxelles
Qui va payer et quand ? Une question épineuse, la rentabilité attendue n’étant pas forcément au rendez-vous, avec une population vivant à plus de 80% sous le seuil de pauvreté. Une tarification solidaire sera mise en place, ce qui impose que la structure porteuse du projet, qui pourrait être un syndicat mixte, soit aidée.
« Pour l’instant, nous avons 8,6 millions d’euros du Feder pour financer les infrastructures de base qui permettront de lancer la première phase du projet en 2019 », nous répond-on.
Un projet à 140 millions d’euros qui implique de solliciter plus largement les fonds européens, explique Mohamed Moindjié, Chargé des transports à la mairie de Mamoudzou, « mais aussi le Contrat de projet Etat région, les collectivités qui devront verser une participation, ainsi que le Versement Transport, taxe touchant les entreprises de plus de 11 salariés. »
Mais difficile de savoir si l’on se positionne sur la prochaine programmation européenne, 2020-2026, ou une revoyure de l’actuelle. Cibler les deux ne semble pas une hérésie, de même que réaffecter les montants alloués à des projets moins ficelés et/ou moins urgents sur les deux fonds CPER et FEDER.
Ce qui semble avoir changé, c’est la volonté politique de trouver une solution, en tout cas, c’est le signe qui était donné au regard du nombre d’élus venus en témoigner dans la petite salle DRH du conseil départemental ce lundi matin.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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