Rebaptisé Ouvoimoja « Tous ensemble », dans un esprit de réconciliation entre les deux villages de Passamainty et Vahibé, le collège de Passamainty a été une nouvelle fois victime de violences perturbatrices du bon déroulement de la scolarité. Certains munis de barre de fer, de pierres, de couteaux, des tentatives d’agression et des menaces envers le personnel… Ce qui incite les professeurs à se dire qu’on ne peut pas exercer à Mayotte comme ailleurs, et que des décisions doivent être prises.
Le constat d’une situation « extra-ordinaire » est d’ailleurs là, avec une décision de la direction de l’établissement de faire sortir les collégiens de Vahibé à 14h30, tandis que les élèves de Passamainty restent en classe jusqu’à 14h40. Conçu pour accueillir 1.100 élèves, le collège en compte 1.665, et 1.800 sont attendus à la prochaine rentrée.
Bien qu’il n’y ait pas de danger imminent au dessus de leur tête, les enseignants ont commencé par faire valoir leur droit de retrait ce mercredi matin, en décidant de ne pas assurer leurs cours à la suite de l’évacuation ce mardi d’un 3ème élève par les pompiers et le SMUR. Et 70 d’entre eux se sont réunis dans une salle du collège pour décider des mesures à inscrire dans un courrier adressé au vice-rectorat, en abondant celles qui étaient déjà mentionnées dans leur communiqué de presse.
« Que veut-on faire comme éducation à Mayotte ? »
La sécurisation du portail, une présence policière renforcée qu’ils souhaitent quotidienne et aux heures de sortie, 2 CPE en plus des 2 existants, un 3ème directeur, 6 assistants d’Éducation supplémentaires, 2 médiateurs supplémentaires, 2 agents d’Equipe mobile de Sécurité (EMS), voilà pour les revendications de moyens, et une réflexion sur la meilleure méthode pour contacter les parents concernés, « les jeunes nous donnent systématiquement des faux numéros ». Certains sont partis en garde à vue, « ils ne seront réintégrés que si leurs parents se présentent », indique Syphax Allek, Délégué CGT Educ’action, et professeur de musique au collège.
Enseignant dans la même matière que lui, et pour cause, le chanteur Mikidache, a l’impression d’un éternel recommencement : « Nous passons notre temps à colmater les brèches à Mayotte. Les problèmes sont les mêmes dans tous les établissements scolaires : la parentalité, l’immigration, la qualité de l’enseignement… Ce sont des vraies questions qu’il faudrait aborder dans une réflexion globale, à l’échelle du territoire. Il faut aller au fond et se demander ce qu’on veut faire comme éducation à Mayotte. »
Les délégués de parents d’élèves sont remontés : « Les tensions Vahibé-Passamainty ne sont qu’un prétexte, qui s’évanouit dès que des jeunes d’une autre village arrivent. Nous soutenons totalement le droit de retrait. Nous déplorons un manque de communication avec la direction de l’établissement, c’est ce que nous venons de dire au principal que nous avons rencontré pendant une heure. Nous avons découvert l’organisation d’arrêt des cours en après-midi par nos enfants. D’autre part, nous avons assisté à la montée des nouvelles violences entre les deux villages, sans que cela soit vraiment cadré. Les élèves se croient tout permis, alors qu’il ne faut rien laisser passer. »
Autorité et/ou cohésion sociale
Le proviseur, arrivé lors de la dernière rentrée, mais qui a déjà exercé à Mayotte, nous ayant demandé de contacter le vice-rectorat, c’est Nathalie Costantini, la vice-recteur, qui nous répond sur ce reproche de laxisme de la part des parents : « Il ne faut pas comparer le mode de fonctionnement avec le précédent principal, très autoritaire. Là, nous avons une autre forme de management qui veut créer de la cohésion sociale. Un événement ponctuel de violence ne doit pas tout mettre par terre. Cet établissement a toujours été remarquablement bien tenu par l’équipe actuelle. »
La représentante de l’Education nationale remet en perspective, « le climat de bande est généralisé à tout le territoire », et annonce l’arrivée d’un 3ème principal à la rentrée prochaine.
C’est d’ailleurs la vice-recteur en personne que les enseignants souhaitent rencontrer, « nous ne reprendrons pas les cours avant », lancent-ils, la rencontre ce mercredi avec les deux représentants du vice-rectorat dépêchés sur place, le nouveau Secrétaire général, et le Directeur des Equipes mobiles de Sécurité, n’ayant débouché que sur « peu de concret », selon leurs mots : « Le Secrétaire général qui vient d’arriver nous a reproché de participer par notre action au ‘climat anxiogène’, alors qu’il ne s’agit qu’un ‘sentiment d’insécurité’ ».
Cadi et fundis appelés à la rescousse
Ils ont malgré tout obtenu 4 agents d’EMS fixes, et 2 mobiles, « nous attendons des confirmations. Surtout que nous avons appris que les médiateurs PEPS seront supprimés », une aberration sur laquelle deux ministres de Manuel Valls en visite à Mayotte avaient été sollicités, sans effet donc. « Le vice-rectorat s’engage aussi, mais de manière non formelle, à une présence policière plus importante, avec notamment une policière en tenue dans le collège ».
Une cellule psychologique de suivi des derniers évènements sera mise en place pour les enseignants et les élèves. Mais elle ne servira à rien si les élèves à problèmes ne sont pas suivis en amont, et si un accompagnement de leurs parents n’est pas mis en place. « Justement, outre la médiation destinée à expliquer le mouvement aux élèves en passant par leurs référents des deux villages, nous prenons dès maintenant contact avec le cadi de Passamainty et les fundis pour provoquer une réunion rapidement », explique l’enseignant.
Alors que les cours ne reprendront pas tant que les enseignants n’auront pas rencontré la vice-recteur, les parents d’élèves s’inquiètent : « Imaginez dans quel état d’esprit nos enfants préparent le brevet ! »
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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