Moitié escroc, moitié passeur, un ancien agent de la sûreté aéroportuaire était jugé en comparution immédiate ce mercredi pour corruption passive, aide à l’entrée et au séjour de personnes en situation irrégulière et… usage de stupéfiants. Il lui est reproché d’avoir aidé des Comoriens à passer les contrôles de l’aéroport pour rejoindre, via Paris, la diaspora comorienne à Marseille.
L’affaire commence le 5 mai 2016. La police aux frontières interpelle une Comorienne qui s’apprête à embarquer avec sa fille dans un vol pour Paris. En situation irrégulière, la dame était porteuse d’une pièce d’identité appartenant à sa soeur résidant à Marseille. Elle était aussi porteuse d’un téléphone, dont les fadettes ont été épluchées par les enquêteurs. Ces historiques de conversations permettent de remonter à plusieurs contacts, dont un agent de la sûreté de l’aéroport chargé de vérifier le contenu des bagages. L’enquête, menée conjointement à Mayotte et Marseille, donne lieu à l’interpellation de l’agent par la PAF. Licencié en décembre 2016, il est alors soupçonné d’avoir prodigué des conseils afin de passer les contrôles d’identité. Il demandait pour cela entre 1500€ et 2000€ par voyageur. Sur les 6 clandestins qu’il aurait ainsi “conseillés”, la moitié ont été interpellés avant d’embarquer.
En garde à vue, l’homme explique avoir agi par le biais d’un autre Comorien installé à Marseille. Celui-ci, l’agent l’avait aidé à passer pour le remercier d’avoir réparé sa voiture. Il avait ensuite donné son numéro à plusieurs personnes qui ont demandé à bénéficier du même service. Lequel est rapidement devenu payant. En outre, durant la perquisition menée à son domicile, les policiers ont mis la main sur 850€ en numéraire et sur une petite quantité de cannabis, ce pour quoi il était aussi poursuivi.
Tentant de minimiser son implication, le prévenu affirme n’avoir donné que des conseils, et n’être jamais intervenu pour aider ces personnes à franchir le contrôle PAF. Et pour cause, son emploi ne le lui permettait pas. “Je disais bien que je n’étais pas de la PAF, que je ne contrôlais pas les passeports”.
“Sans vous elles n’auraient sans doute jamais essayé”
Mais pour le président, ces personnes “pensaient qu’elles passeraient grâce à vous, puisqu’elles payaient pour ça. Sans vous, elles n’auraient sans doute jamais essayé. Vous êtes connu comme celui par lequel on peut passer en douce à l’aéroport !” Des conseils si cher payés, sans garantie aucune, il n’en fallait pas moins pour que le tribunal parle plusieurs fois d’escroquerie. Une charge toutefois pas retenue contre celui qui est, depuis, devenu pompier volontaire.
Le procureur rappelle que “pour les aider, il vérifiait le document pour s’assurer qu’ils ressemblaient bien. Bien préparés, certains ont pu passer. Ce qui caractérise l’aide à l’entrée et au séjour de personnes en situation irrégulière. C’est cruel de sa part envers ces personnes qui mettent les économies d’une vie dans un billet d’avion, et qui en plus le payent. Et lui, il prend l’argent !”
Pire encore pour le ministère public, le fait que le prévenu a continué cette activité début 2017, alors qu’il avait déjà été licencié de l’aéroport. “Ce n’est pas un baron du passage de clandestins, mais il a profité de la naïveté de ces gens.”
A ce titre, il requiert 18 mois de prison, dont 11 avec sursis, soit 7 mois ferme, mais aménageables.
La défense s’est quant à elle appliquée, non sans mal, à prouver que son emploi d’agent de sûreté, chargé de contrôler les bagages, ne lui permettait d’aider les gens à passer. “Son chef a expliqué lui-même que depuis son poste, il n’avait aucune possibilité d’aider à passer les contrôles de la PAF. Il n’avait aucun pouvoir.”
Un argument qui a en partie fait mouche. Aprés délibération, l’ancien agent a été relaxé du chef de corruption, mais reconnu coupable d’aide à l’entrée et au séjour de personnes en situation irrégulière, et d’usage de stupéfiants. Loin des cinq ans encourus, et des 18 mois requis, il écope d’un an de prison avec sursis, mais surtout de 5000€ d’amende. Ferme. “Vous l ‘avez fait pour l’argent” justifie le président, décidé à frapper au porte-feuille, qui ordonne aussi la confiscation des scellés, soit un téléphone portable, et les 850€ que l’homme gardait chez lui.
Y.D.
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