Que savons-nous des échanges qui se sont tenus le 12 septembre lors du Haut Conseil paritaire entre les ministres des Affaires étrangères franco-comoriens, Jean-Yves Le Drian d’un côté, et Mohamed Al-Amine Souef, de l’autre ? Ce que le site diplomatie.gouv.fr veut bien nous en dire. Que « les travaux se sont déroulés dans un climat amical et confiant », et qu’une feuille de route a été établie, « visant à favoriser les échanges humains entre les îles de l’archipel dans un cadre légal et en renforçant la sécurité des liaisons maritimes et aériennes ».
Le communiqué du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères rappelle qu’il s’agit d’une suite annoncée de la rencontre entre les présidents Hollande et Azali Assoumani, d’octobre 2016.
Evidemment, nos amis comoriens auront retenus la facilitation des échanges humains qui en découleront. C’est à coup sûr l’argument qui aura permis de renouer le dialogue, et il le fallait. Deux hypothèses sont envisageables face au silence du quai d’Orsay.
« Une ‘Jungle de Calais’ puissance 10 »
Comme le traduisent certaines inquiétudes, il peut s’agir d’un plan unique pour régulariser tous les étrangers en situation irrégulière, et légaliser les futures arrivées en tuant par là-même les filières de passeurs, quitte à engorger Mayotte. Le député Mansour Kamardine, dans un communiqué envoyé vendredi aux médias, y anticipe les conséquences : « Une telle politique ne peut qu’exacerber les très vives tensions qui font de Mayotte une véritable poudrière sociale et sécuritaire », « le stationnement, à Mayotte, de centaines de milliers de comoriens, consécutif à une politique d’assouplissement de la délivrance de visas, ferait du 101ème département français une ‘jungle de Calais’ puissance 10 ».
Il faut sur ce sujet savoir interpréter le renforcement « de la sécurité des liaisons maritimes et aériennes ». Certains y ont vu la préoccupation des politiques d’éviter les nombreux naufrages maritimes entre Anjouan et Mayotte, mais il s’agit aussi vraisemblablement d’en accroitre le contrôle, sinon comment interpréter « la sécurité des liaisons aériennes ».
Absence (provisoire?) des élus Mahorais
La deuxième hypothèse découle de la teneur de la rencontre entre les deux présidents Hollande et Azali, tel que nous rapporte le sénateur Thani Mohamed Soilihi : « Elle visait à établir une feuille de route pour signer ensuite des accords multisectoriels (social, économique, dont des visas d’affaire). » C’est cette feuille de route qui a été signée le 12 septembre, pour aboutir ensuite à un accord, qui, devra être entériné au niveau national et donc sans doute passer in fine entre les mains de nos parlementaires.
On peut avec Mansour Kamardine, regretter et même s’insurger que pas un seul des représentants de Mayotte n’ait été associé, « ni même consulté, directement ou indirectement, sur cette feuille de route qui, pourtant, les concerne au premier chef ». L’avantage, c’est de ne pas avoir cristallisé les tensions qui prévalent à chaque rencontre Franco comorienne.
Le ministre Le Drian représente la France, donc le 101ème département
Pour ces derniers Mayotte est sous occupation française, et la considère comme « comorienne à jamais ». Tout affichage du contraire sur les médias aurait été inaudible sur les trois autres îles de l’archipel, et aurait provoqué la levée de bouclier habituelle, et inutile. Or, pour engager les échanges et discuter des compromis, le président Azali a besoin de compter sur la confiance de ses électeurs. L’absence d’élu mahorais peut aussi être vu comme un point positif, le ministre Le Drian signant seul parce qu’il représente le peuple français, dont les habitants du 101ème département.
Le communiqué du ministère des Affaires étrangères indique à la fin que « afin d’approfondir la coopération bilatérale, il a été convenu de réunir d’ici la fin de l’année une commission mixte à Moroni. »
Face au déficit de communication, « la feuille de route a été annoncée mais nous ne savons rien de son calendrier et des modalités de sa mise en œuvre, ce qui laisse la porte ouverte à toutes les interprétations », déplore Mansour Kamardine. Ce dernier joue son rôle de parlementaire en demandant à Jean-Yves Le Drian de recevoir une délégation composée de parlementaires et du président du conseil départemental de Mayotte.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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