Si la métropole est dotée de tribunaux de commerce, dans les DOM, il faut y ajouter l’adjectif « mixte ». Non pas une dérogation accordée à la gente féminine pour une mixité des sexes (en tout cas pas forcément…), mais plutôt une cohabitation du juge judiciaire et des assesseurs qui sont des juges consulaires. c’est à dire représentants du tissu économique, chefs d’entreprises, commerçants, etc. « Une particularité qui fait des envieux, puisqu’en métropole on parle de plus en plus d’adapter ce schéma », commente Laurent Sabatier, président du Tribunal de Grande Instance (TGI). Il expliquait à une vingtaine de potentiels candidats l’ABC des juges consulaires.
Ils seront élus par des délégués consulaires, qui ne doivent pas avoir été démis de leurs fonctions, ne jamais avoir été condamnés pénalement, ou ne pas avoir subi de faillite personnelle, entre autre déboires. Les juges eux-mêmes ne doivent pas avoir fait l’objet d’une procédure collective*, doivent être inscrit au registre du commerce et des sociétés depuis 5 ans, et avoir été inscrits l’année qui précède sur les listes électorales des délégués consulaires.
Une à deux audiences par mois
« Il existe des incompatibilité, explique le juge Benjamin Banizette, comme ne pas être déjà conseiller aux prud’hommes. Quand on est en difficulté devant ses salariés, on l’est parfois aussi devant d’autres structures, le juge consulaire ne doit pas avoir d’apriori. » Les locaux du TMC seront situés au sein du TGI à Kawéni.
Ils étaient une vingtaine du monde économique dans la salle, dont 4 femmes. Le temps à consacrer à cette fonction est raisonnable, « une à deux audience par mois, à raison d’une à deux heures chacune ».
Depuis le 1er septembre, le juge Pascal Bouvart a été désigné Président de la Chambre commerciale qui se muera en Tribunal mixte de commerce (TMC) aussitôt les juges consulaires élus. Pour démêler les compétences d’attribution d’un litige entre les juridictions, ils seront formés, « la plainte d’un mari pour non rétributions de son travail au sein de la société où il est associé avec sa femme, sera par exemple jugée au tribunal de commerce », expliquait Pascal Bouvart.
L’éclairage du terrain
Une formation indispensable parce que la procédure est orale au TMC et que le recours à un avocat n’est pas obligatoire, mais surtout pour savoir quelle décision prendre notamment en terme de procédure collective*, et le président Sabatier en soulignait l’importance : « Il ne faut pas perdre de vue l’objectif de protection de l’entreprise en difficulté, et des emplois, et son développement sur des bases saines et légales », en rajoutant, « Mayotte, ce n’est plus le Farwest que ça a été », en nuançant, « parfois, le chef d’entreprise a peur de porter le ‘bonnet du failli’ (semblable au bonnet d’âne, ndlr), et dissimule pour éviter la procédure de sauvegarde, ou un plan de redressement. »
Laurent Sabatier « humanisait » la fonction : « Nous avons besoin de vous pour nous éclairer sur le fonctionnement économique de l’île. Quand un chef d’entreprise m’explique qu’il va s’en sortir parce que des contrats vont tomber, j’ai besoin de savoir si le marché est porteur ou pas. » Mais mettait en garde sur l’éthique que doivent incarner ces juges, et l’idée qu’ils doivent s’en faire, « ce n’est pas un titre ou une carte de visite ».
En ne perdant pas un objectif des yeux, « le juge doit s’efforcer de concilier les parties. »
Selon nos informations, ces élections pourraient se tenir en janvier 2018.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
* Soit une sauvegarde judiciaire, soit un redressement judiciaire de l’entreprise, soit une liquidation judiciaire de l’entreprise
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