“L’héroïne du jour”, dixit le président du tribunal, se tient à la barre. Fluette, jolie, elle inspire la sympathie. Derrière elle, sa victime. Un gaillard costaud qui, en décembre dernier, a voulu lui acheter un scooter. Rendez-vous était pris le 10 décembre 2016 donc, à Kaweni. L’acheteur y apprend que d’autres sont sur le coup, et que le premier à payer aura le véhicule. Intéressé, il dégaine 1000€ en espèces, et un nouveau rendez-vous est fixé le 12 décembre pour récupérer le scooter. Le temps de faire les papiers à la préfecture. Mais le jour où la transaction doit être finalisée, la jeune vendeuse ne répond pas. L’acheteur se sent floué, et se rend à la police, qui se charge d’appeler la mise en cause. Celle-ci répond, et s’engage à rembourser les 1000€ avant février. Elle signe une attestation sur l’honneur en ce sens.
Mais en mars, le plaignant retourne au commissariat, n’ayant pas vu la couleur de son argent, et dépose plainte pour abus de confiance.
Dès lors, la jeune femme explique qu’en décembre, alors qu’elle allait déposer les 1000€ de la vente à la banque, deux hommes l’ont agressée et lui ont volé son sac, avec l’argent. Elle soupçonne l’acheteur d’avoir commandité ce vol à l’arraché pour avoir le scooter, et l’argent du scooter. “Vous vous faîtes des films dans votre tête”, titille le président du tribunal, peu convaincu.
Le procureur Tanguy Courroye parle quant à lui des “circonstances nébuleuses de ce vol”. Une agression qui laisse les magistrats d’autant plus perplexes qu’elle n’a pas fait l’objet d’une plainte sur le moment. “L’ordre des choses, c’est de porter plainte le jour-même, plaide-t-il. Madame a tout mélangé, étant victime d’un vol, elle a reporté le préjudice sur Monsieur. Mais finalement, elle n’a pas de préjudice puisqu’elle a gardé le scooter. On lui a donné des chances d’indemniser la victime en février, le temps n’a que trop passé”.
Le substitut réclame 6 mois avec sursis et obligation d’indemniser la victime à hauteur des 1000€ que l’homme a demandé à récupérer, ainsi que 300€ d’amende. “Elle devra rembourser, sans quoi ça sera la prison”.
Invitée à se défendre, et n’ayant pas pris d’avocat, la prévenue a fait bondir les magistrats qui lui faisaient face. “Je n’ai jamais été au tribunal, et je trouve ça un peu fatiguant”. Avant de se rattraper. “Je rembourserai le 1er novembre, aujourd’hui je n’ai pas l’argent”.
De retour de délibération, le président prononce sa culpabilité pour abus de confiance, et rappelle que ce délit est passible de 5 ans de prison et 375 000€ d’amende. “On ne prononce pas de peine aujourd’hui, mais on se revoit le 25 octobre. Vous avez obligation d’avoir indemnisé la victime d’ici là. Pas le premier novembre. Si vous n’avez pas remboursé, le tribunal en tirera les conséquences sur la sanction.”
Y.D.
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