Dans son rapport d’octobre 2017 sur les finances locales nationales, la Cour des Comptes consacre un chapitre entier à l’organisation spécifique des départements d’outre-mer (DOM) hors Mayotte et à son impact sur la situation financière de ces collectivités.
Le département de Mayotte ne fait pas partie du champ de l’analyse « compte tenu de ses particularité », mentionnent les magistrats, et de la production d’un rapport en 2016 où ils jugeaient « la départementalisation de Mayotte, mal préparée ». D’autre part, une évaluation de la situation financière propre de notre Département par la Chambre Régionale des Comptes sera bientôt publiée.
Sur l’ensemble du territoire national, la Cour des Comptes note que « malgré la réduction pour la 3ème année consécutive de leur dotation globale de fonctionnement, l’exercice 2016 s’est soldé par une nette amélioration de la situation financière des collectivités locales », qu’elle nuance en indiquant que si les régions ont vu leurs charges de fonctionnement (salaires, etc.) baisser, ce n’est pas le cas des communes.
C’est toujours le zéro pointé pour l’indexation
En outre-mer, le constat est accablant : seules 46 des 136 collectivités ont une situation saine. Les recettes ne sont pas en cause puisque si les ressources fiscales sont de 20 à 30% plus basses qu’en métropole, « lié au recensement lacunaire des bases cadastrales », les collectivités jouissent « d’un niveau élevé de ressources grâce à la perception d’impôts indirects locaux propres à l’outre-mer », comme l’octroi de mer ou la taxe spéciale sur le carburant.
Est pointée du doigt une « forte propension à la dépense publique locale », notamment en matière de personnel. Avec notamment « des effectifs surdimensionnés d’agents territoriaux au regard des besoins ». Elles se montent à 262 euros par habitant en Guadeloupe, 325 euros à la Réunion, 346 euros en Martinique et 427 euros en Guyane, contre une moyenne de 183 euros en métropole.
Le petit pêché des collectivités leur coûte cher, en valeur et en volume. Les magistrats financiers qui gardent un doigt sur la calculette pointent comme chaque année l’indexation, une « sur-rémunération » de 40% en Guadeloupe, Guyane et Martinique, et 54% à La Réunion. Or les écarts de prix avec la métropole qui les justifient ne dépassent pas 12,5% (7,1% à La Réunion). Les autres raisons d’éloignement avec la famille ne sont « pas vraiment fondés », surtout pour les ultramarins, pas plus que l’attractivité des postes. On comprend que sur ces arguments, Mayotte soit traitée à part.
La masse salariale, éponge de la détresse sociale
En volume de personnel, ça coince aussi, puisque pour 1.000 habitants, les collectivités ultramarines disposent en moyenne de « 10 agents de plus qu’en métropole », et avec un déséquilibre de compétence au détriment des catégories A.
Levant le nez de leur calculette, les magistrats financiers analysent l’origine de ce boulet de masse salariale que trainent les collectivités en Outre-mer : « Les recrutements dans le secteur public local sont volontairement utilisés comme un moyen de lutte contre le chômage au détriment des finances des collectivités. »
Et citent le maire de Sainte-Suzanne à La Réunion qui a répondu qu’il s’agissait pour les élus de répondre par ce biais à la détresse sociale engendrée par le niveau du chômage C’est l’argument qu’avait mis en avant Saïd Omar Oili lorsqu’il était président du conseil général en 2006, pour justifier la masse salariale qui plombe encore le Département.
S’il se comprend au regard de notre niveau réel de chômage proche de 40%, on constate à Mayotte un déficit de compétence dans le personnel recruté, la plupart étaient de catégorie D à l’époque. D’autre part, il obère pour l’ensemble des collectivités suivant ce raisonnement un dégagement d’épargne destinée à l’investissement dans des projets qui pourraient à terme créer des emplois.
Pour les comptables de la Cour, les choix des élus locaux se font au détriment des services publics offerts à la population. Elle cite en exemple la faiblesse de l’investissement qui se répercute sur l’exploitation des réseaux d’eau et d’assainissement ainsi que sur le traitement des ordures.
Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com
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