Quand on longe le terrain de foot où broutent des chèvres, face à nous, se déroule la longue fresque murale made by Papajan. C’est à croire que le tag conserve, car la silhouette longiligne de l’artiste ne prend pas une ride au fur et à mesure que passent les années, et que s’affermit son art.
Le terme d’artiste n’est pas usurpé : « J’ai suivi l’école des Beaux-Arts à Rotterdam, en hollandais, puis je suis revenu exercer à Mayotte. » Pas compliqué de comprendre pourquoi il est allé jusque dans la patrie de Vermeer ou du tagueur Does…. Sous son surnom de Papajan se cache Jan Van Der Hoeven, fils d’un papa hollandais et d’une maman Zimbabwéenne, qui arrive à 7 ans à Mayotte où il suit toute sa scolarité jusqu’au Bac G.
Ce grand jeune homme a maintenant 44 ans, porte toujours avec bonheur des dreadlocks, et ses bombes de couleur qu’il agite avec gourmandise devant les murs vierge. « J’essaie de vivre de mon art », lance-t-il, et il fait plus qu’essayer puisqu’il finance les études de sa fille, qui se lance dans l’art… du maquillage cinématographique.
Sous une bonne étoile
Il répond aux commandes de l’Education nationale, d’associations, de collectivités, « mais les décideurs arrivent à nous décourager. Ils nous disent ‘on a des sous’, mais nous, nous n’arrivons jamais à les attraper ! S’ils voulaient vraiment que nous les consommions, ils nous aideraient. »
Les associations de Chembényoumba ont su faire fonctionner la machine, en particulier Alakarabu pétanque, comme nous l’explique son président Pascal Ferrié, également Coordonnateur départemental de l’accompagnement scolaire au conseil départemental : « Toutes les associations d’ici portent ce nom Alakarabu qui signifie ‘étoile filante’, et la pétanque, le foot et le volley ont décidé de monter ce projet destiné à valoriser l’environnement, à impliquer les jeunes et à favoriser l’intergénérationnel et l’intercommunautaire ».
A voir les frimousses et les ados qui suivent les lignes polychromes tracées avec dextérité par Papajan, on se dit qu’ils ont réussi. Plus ou moins en galère, trois jeunes ont particulièrement mis la main à la pâte. Toybou, en recherche d’emploi, a tagué les écrits, « j’ai aussi lettré le plateau de Mtsangamouji », Danny, le poète de la bande (page facebook lannyleromantique), est en attente de signature d’un service civique et Djack, en seconde à la Cité du Nord, ont rempli de couleur les croquis de Papajan.
Inégalité des territoires
Le projet d’un montant de 7.600 euros, comprend aussi l’aménagement de l’ensemble de la zone avec la construction d’un faré, et est cofinancé à hauteur de 6.700 euros par le Commissariat Général à l’Egalité Territoriale (CGET), comme nous l’explique sa représentante Violaine Lempereur : « Nous avons voulu mettre en avant cette volonté d’embellissement avec la coopération des jeunes de la part de la commune ». Une commune de Mtsangamouji qui a mis la main à la poche pour 900 euros.
Une égalité des territoires qui laisse Papajan songeur, « égalité avec qui ? On n’a même pas une salle de spectacle. » La représentante du préfet lui répondait que l’Etat ne peut pas tout, et tout le monde avait le regard tourné vers le conseil départemental.
L’artiste jette un coup d’œil à la fresque, commencé pour partie il y a un an, sur laquelle un petit tag bleu s’est rajouté depuis, maladroitement tracé par un jeune en mal d’expression : « Je ne lui en veut pas, c’est le début de quelque chose ! »
Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com
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