Parler de la radicalisation, et tâcher de la prévenir, “n’a rien à voir avec le fait que Mayotte soit à 97% musulmane” prévient la vice-rectrice Nathalie Costantini. Le vrai ennemi, c’est l’ignorance. Au lycée de Petite Terre où se déroulait samedi une journée de prévention de la radicalisation et de la violence, la parole était surtout donnée aux parents.
L’Udaf, union des associations familiales, a œuvré pour le compte de l’Etat à l’organisation de cette journée. “Il était temps que cette question de la radicalisation doit abordée ici, juge Ali Nizary, le président de l’Udaf, en référence au travail mené depuis des années en métropole et ailleurs. Le processus de radicalisation se traduit souvent par une rupture rapide, la question de la famille nous paraît donc importante. Mais si la rupture peut-être relationnelle, elle a aussi lieu avec l’école.
“Le lycée est un lieu symbolique, un lieu de connaissance, analyse la patronne du vice-rectorat. qui pointe le rôle central de l’école. La problématique de la radicalisation, c’est la peur, la construction de tabous. Quand on s’interdit de parler de certaines choses, on laisse s’installer des peurs, des angoisses. A Mayotte comme partout dans le monde, nous somme tous concernés. Il est donc important que des associations comme l’UDAF aient le courage et cette volonté de communication. C’est un processus qui, comme une maladie, peut être rapide, ou s’installer petit à petit, et d’un coup s’exprimer de manière violente.” Ainsi, si l’école doit s’assumer comme un lieu d’échange, de partage et de questionnement, cela ne dégage pas les familles de leurs responsabilités. “Si tout le monde ne compte que sur l’Education Nationale, on n’arrivera à rien, poursuit Nathalie Costantini. Un enfant, c’est d’abord l’enfant de ses parents, les parents doivent prendre leur place. Nous, on peut tendre la main.”
Mais parce-que la radicalisation ne touche pas que les enfants, la responsable a poursuivi : “quand on est adulte, on doit aussi continuer à se poser des questions et remettre en cause ce qu’on dit, ce qu’on fait et ce qu’on nous dit.”
“Il ne faut pas jeter de voile pudique sur le sujet”
“On peut être influencés quand on a un manque de capacité à réfléchir à ce qu’on nous dit, rebondit Etienne Guillet, directeur de cabinet du préfet. L’UDAF s’inscrit dans un programme porté par le ministère de l’Intérieur, le projet est d’aller sur l’ensemble du territoire mahorais pour que ses habitants soient au cœur de cette problématique. On voit, à Mayotte comme ailleurs, des discours qui passent, des personnes radicalisées qui émergent. Il faut en parler, ne pas jeter de voile pudique sur le sujet.”
Arguant du fait que “Mayotte serait choquée si un jour, un de ses enfants devait frapper sur le territoire national”, le haut fonctionnaire invite chacun à prévenir s’il constate des signes inquiétants, afin que les services compétents “enquêtent discrètement”. “Soyons observateurs, vigilants, et sachons accompagner”. Les différents responsables s’accordent toutefois sur l’importance de ne pas stigmatiser. Un changement de tenue vestimentaire chez un ado n’en fait pas un radicalisé. Une rupture avec les parents, l’école, et des discours inhabituels peuvent interroger.
Un péril contre lequel la meilleure arme reste l’esprit critique, que la vice-rectrice a longuement défendu aux enfants de l’association “A 2 Mains pour les enfants”. “Ce n’est pas parce qu’un adulte parle, qu’il dit forcément de belles choses. Ce n’est pas parce qu’un adulte demande quelque-chose qu’il ne faut pas s’interroger sur ce qu’il demande, même un foundi, même un plus grand du quartier. Il faut poser des questions, être curieux, avoir envie de savoir, Pour pouvoir dire un jour “Non, je ne le ferai pas parce que c’est mal”.
Dans la forme, la rencontre consistait à échanger avec les parents, en leur laissant la parole. En métropole, ces réunions commencent par une séquence d’information sur ce qu’est l’Islam, ses valeurs, ce en quoi croient les Musulmans. Inutile de dire qu’à Mayotte, cette partie n’était pas indispensable. Il s’agissait donc plutôt de s’interroger sur trois questions : qu’est ce que la radicalisation, comment la déceler chez son enfant, et que faire le cas échéant.
Un numéro vert a été mis en place pour toute information : 0800 005 696
Ou sur www.stop-djihadisme.gouv.fr
Y.D.
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