Le tribunal est le lieu où les faits sont exposés au grand jour. C’est rarement joli, mais certains procès sont plus éprouvants que d’autres.
Ce mercredi, la justice devra se prononcer sur la peine à infliger à un homme qui, en 2013 et alors âgé de 30 ans, a abusé d’une fillette de presque 13 ans. Laquelle a déposé plainte trois ans plus tard. En l’absence de contrainte, menace ou surprise, le viol n’a pas été retenu par la justice. Ce procès s’inscrit donc dans un contexte national où les affaires d’atteintes sur mineurs font la Une des journaux, et où la question de leur consentement se pose de plus en plus.
Alors que s’est-il passé en juin 2013 . Lors de sa plainte, la jeune fille, alors âgée de 16 ans, dit avoir été violée par son ancien voisin. « Il m’a déviergée (sic), m’a forcée, il m’a serré le bras, je ne voulais pas faire l’amour avec lui mais il avait fermé la porte ». Les mots qui suivent sont crus, durs à entendre. La scène dure une minute, pas plus « car je criais » dit-elle.
Lors de son audition, l’adolescente explique qu’elle « veut de l’argent car il a volé ma vie ». Cette notion pécuniaire est ressortie tout au long de l’audience, comme si l’on pouvait mettre un prix sur l’intégrité physique d’une enfant.
D’ailleurs, 6 jours après sa plainte, « elle revient voir les gendarmes et demande à tout arrêter car les deux familles ont trouvé un arrangement de 5000€ plus un mariage » relate le président Banizette, PV d’audition sous les yeux. Une demande effectuée à la demande de la mère.
« Une mère qui vend le vagin de sa fille pour 6000€ »
Mais la procédure est lancée et le retrait d’une plainte n’y change rien. L’homme est interpellé et reconnaît les faits. Il explique que la fillette et lui ont eu des relations sexuelles pendant plusieurs mois suite à cette première fois. Interrogé sur le consentement de l’adolescente, il affirme : « J’avais parlé avec elle, je lui ai dit que j’étais intéressé et elle a accepté ma demande. Après quatre semaines de discussion au téléphone, je l’ai invitée chez moi, on a couché ensemble. Je n’avais pas connaissance de son âge mais je savais qu’elle avait au moins 13 ans car elle avait eu sa nationalité. Elle n’avait pas un visage d’enfant. »
Un argument qui peine à convaincre, alors que la plaignante, prostrée sur le banc de la partie civile, fait encore aujourd’hui bien plus jeune que son âge.
De nouveau interrogée sur le motif de sa plainte, la jeune fille explique à la barre qu’elle veut « qu’il me paye mes droits ». Le prix de la virginité. En effet « l’accord » conclu n’a jamais été honoré.
Le prévenu quant à lui, ne semble pas comprendre ce qu’il fait là. « On couche encore ensemble aujourd’hui, elle est comme ma femme, on s’aime » affirme-t-il. L’adolescente confirme « J’y vais quand il m’appelle, même si je n’ai pas envie. ». Son mari n’apprécie guère ces rendez vous.
En effet, elle a été mariée devant le Cadi trois mois après sa plainte à un autre homme alors qu’elle avait 16 ans et était enceinte d’un troisième.
C’est une jeune femme totalement destructurée dans son image du corps qui apparaît. « Vous avez conscience que vous avez le droit de dire non ? » demande une magistrate. Pas de réponse.
Sa maman, en représentante légale, réclame 6000€ de dommages et intérêts.
Un rapport récurrent à l’argent qui fait bondir le procureur Rieu. « C’est parce que nous n’avons pas trouvé d’arrangement que nous avons porté plainte nous dit-on, ce que nous dit la victime, c’est qu’elle a été violée, pourquoi ne pas avoir nommé un juge d’instruction ? Aujourd’hui je ne peux plus demander ça à cause de l’instrumentalisation de la justice et du corps de cette jeune fille afin d’obtenir des fonds. Il y a eu une manipulation honteuse des deux familles sur le dos d’une enfant. Ce monsieur l’a échappée belle. Il y a en ce moment un débat national pour savoir s’il y a un âge sous lequel le consentement ne peut être réel. 13 ans, ce n’est pas un âge auquel on couche avec un homme de 30. Aucune notion culturelle n’explique ça, poursuit-il. »
En guise de peine, le substitut exclut la prison ferme, mais aussi l’amende, afin de ne pas à nouveau « mettre un prix » sur l’acte sexuel incriminé. Il réclame un « mix » des deux : 360 jours amende. Une somme à définir, multipliée par 360 qui si elle n’est pas payée, se transformerait en un an de prison ferme.
L’avocate du prévenu, Me Journiac regrette de son côté que « le premier réflexe de la famille ait été d’aller quémander de l’argent à celui qui a pris sa virginité. Le vrai manque de respect dans cette affaire, c’est une mère qui vend le vagin de sa fille pour 6000€. On n’a pas pu entendre cette dernière comme elle aurait du pouvoir l’être. La peine requise, c’est encore donner un prix à cette virginité, je demande une autre peine » conclut-elle.
Décision mercredi.
Y.D.
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