Reprenant le ton alarmiste du député Kamardine, Saïd Omar Oili implorait l’Etat à assumer ses missions régaliennes de sécurité, de justice, d’éducation, de soutien aux politiques de logement et d’aménagement, « retarder davantage ce rattrapage, c’est prendre le risque d’une explosion sociale très forte », lâche-t-il.
En soulignant le caractère pacifique du peuple mahorais, il évoque une montée du ras-le-bol, « la colère gronde face à la dégradation des services publics et de nos conditions de vie. Nous sommes au pied du mur ».
Il faut se souvenir que, si les amendements du sénateur Thani Mohamed avaient permis de réduire de 60% la valeur locative pour Mayotte en 2018, « permettant d’avoir enfin un régime fiscal équitable qui tienne compte de notre réalité économique et sociale », le président de l’AMF François Baroin, saisi par Saïd Omar Oili, avait porté au ministère des finances les inquiétudes des maires de Mayotte sur la compensation de cette perte pour leur trésorerie. Et a été entendu. De même l’octroi de mer leur sera alloué par pallier de 3 ans.
Développement d’un territoire déstructuré
Des réparations d’injustices qui permettent de mesurer le laxisme de nos précédents élus à Mayotte, qui n’ont jamais obtenu réparation, mais aussi l’évolution dans la prise en compte de nos difficultés, « nous partions de très loin », relève l’élu mahorais, qui en tire une leçon que le « sérieux, la persévérance et la solidarité », paient.
Mais des injustices encore nombreuses, détaille-t-il : « Les Collectivités de Mayotte sont les seules de France à ne pas bénéficier des compensations de Taxe d’Habitation pour les exonérations de ménages modestes. Nos collectivités sont aussi les seules des DOM à ne pas avoir de compensation pour les exonérations liées à la Zone Franche d’Activité. »
Et s’il assure d’une mobilisation des communes et intercommunalités pour le développement de l’île, elle restera inefficace, et nous l’avons rappelé plus d’une fois dans les colonnes du JDM, sans une structuration du territoire : « routes, eau potable, réseaux d’eau pluviales et d’assainissement, écoles et réfectoires ». Un gap avec le reste du pays qui appelle une mise en cause des acteurs locaux, mais aussi à un accompagnement approprié de l’Etat. D’ailleurs Saïd Omar Oili évoque une nécessaire montée en compétence des élus, pour gérer au mieux les programmes d’investissements adéquats.
3 fois moins de dotations
Il en appelle au président Macron qu’il a accueilli dans la liesse et en candidat dans sa commune de Dzaoudzi Labattoir, et dont il cite les mots de campagne : « C’est au tour de la République d’être à la hauteur de votre ferveur ».
S’il reste un Macroniste convaincu, cette adhésion va s’effriter si les injustices qui maintiennent Mayotte comme un « territoire de seconde zone » perdurent : « C’est dans notre département que se concentrent les besoins les plus criants en logements et en lutte contre l’insalubrité. La Réunion bénéficie pour ses politiques d’habitat de plus de 80millions d’euros de l’Etat. Chacun des autres DOM bénéficie d’environ 40M€. Pour Mayotte ce sont 14M€, soit 3 à 6 fois moins que les autres. Cet écart de traitement n’est pas admissible. Il est indigne d’un Etat impartial et équitable ». Il n’écarte pas en l’absence de réactions, des « recours » que l’on imagine judiciaires.
Beaucoup d’avancées fiscales et de compensation obtenues par Mayotte, sont inscrites à la loi Egalité réelle, « notamment pour nous permettre d’ici 20 ans de ne plus battre les records en matière d’illettrisme, de mortalité infantile et de pauvreté », mais sera-t-elle toujours d’actualité, ou substituée par un nouvel acte législatif issu des Assises des Outre-mer ? Les élus de Mayotte posent la question.
Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com
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