Il y a eu un avant et un après « Arrêt Mayotte », en terme de politique européenne. Pris le 15 décembre 2015, il renforce l’article 349 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne qui reconnaît les spécificités des RUP, en raison de leur étroitesse de territoire, de leur éloignement, etc. Mais encore fallait-il le faire vivre.
« Si on attend que Paris et Bruxelles fassent notre travail, on continuera à courir derrière, et on en assez de devoir demander des modifications, comme ce fut le cas pour l’ASE et les PMI. Nous devons un jour pouvoir être fier du travail accompli pour notre territoire », la conclusion de Sidi Mohamed, Vice-président Chargé des Affaires européennes était porteuse d’espoir mais aussi d’un gros travail à accomplir.
Il proposait une matinée d’information sur l’évolution de la politique européenne, « qui part de nos préoccupations, pour monter jusqu’à Juncker ! ».
On a suffisamment critiqué dans le passé pas si lointain le Département pour son inaction, pour ne pas se réjouir des avancées auxquelles élus, cadres du Conseil départemental, mais aussi CCI et autres acteurs, ont largement participé.
L’odeur du terroir remonte jusqu’à Bruxelles
Pour preuve : « On ne parle que de Mayotte dans ce mémorandum ! », le DGS Mahafourou Saidali rapportait les propos des représentants des autres Régions ultrapériphériques (RUP) européennes lors de la XXIIème Conférence des Présidents des RUP en octobre 2017 à Cayenne.
Un gros travail collectif à Mayotte, doublé de celui des 8 autres RUP*, qui a abouti à la publication d’un Mémorandum « Pour un nouvel élan dans la mise en œuvre de l’article 349 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne » adopté par l’ensemble des RUP le 31 mars 2017, qui demande « une révision en profondeur de la prise en compte de l’ultrapériphérie dans les différentes politiques européennes. »
Et là, miracle ! La Commission européenne se fend d’une importante communication où figurent toute une série de mesures, véritables adaptations des normes au contexte difficile des RUP. « Elles vont alimenter les futures politiques européennes et les prochains programmes », se réjouissait Adrachi Velou, Chargé de mission RUP, représentant du Département à Bruxelles, qui regrette malgré tout qu’elles ne portent que sur la période 2018-2020 et pas au delà.
Petits bateaux deviendront grands
Ces mesures touchent plusieurs secteurs, dont la pêche. Jusqu’à présent, en raison de la préservation de la ressource en Occident, l’élargissement des flottilles de pêche était interdit. Ce ne sera plus le cas puisque la Commission « envisage l’octroi d’aides d’Etat en faveur de construction de nouveaux navires ». Il ne s’agit pas encore de débloquer le fonds européen FEAMP, faisait remarquer Michèle Balourd, Directrice des Affaires européennes au CD, mais c’est déjà un grand pas. De même, les besoins des RUP seront pris en considération lors des appels à projets du FEAMP, le Fonds européen pour les Affaires maritimes et la Pêche. Le Mémorandum avait inscrit la demande d’un POSEI pêche comme celui dédié à l’agriculture, qui n’a pas été accordé.
En matière de transport, une étude a été lancée sur les besoins des RUP en terme d’accessibilité, un prestataire fera un déplacement dans chacun d’eux, et il est désormais possible de poursuivre les investissements dans les ports et les aéroports, « on va pouvoir relancer le projet de piste longue ! »
Ce sont 4 millions d’euros qui seront débloqués, « et il faut remercier le député Younous Omarjee », pour participer aux programmes de recherche et d’innovation, « on évoque les secteurs porteurs du tourisme et de l’aquaculture à Mayotte », glisse Adrachi Velou.
Les échanges avec la région, un plus pour Erasmus
Biodiversité, accords de coopération, « en facilitant les échanges avec les pays voisins par la mise en place de programmes communs », et même ouverture aux pays non européens pour les transferts des déchets, qui posent tellement problème à Mayotte.
La délégation de Mayotte avait particulièrement mis l’accent sur les échanges avec les pays voisins pour promouvoir Erasmus +, ce qui a été intégré aux intentions de la Commission, notamment « dans les domaines de l’enseignement supérieur et de la formation professionnelle. »
Quelques interrogations dans le public : tout comme la CCI, les techniciens du Conseil départemental demandent à être intégrés aux groupes de travail, et le manque de structures d’accueil pour les visiteurs européens fait grincer des dents.
Car plusieurs missions doivent se déplacer dans les RUP, notamment des émissaires de la Banque Européenne d’Investissement, au 1er trimestre 2018, « il faudra mettre l’accent sur les transports », ou encore des émissaires européens « pour envisager problèmes et solutions de concert avec les autorités locales ». Il va falloir continuer sur notre lancée pour y arriver, « avec un suivi au niveau local, et notamment des groupes de travail sur la pêche et l’aquaculture ».
Surtout qu’en 2020, le conseil départemental souhaite récupérer l’autorité de gestion des fonds européens qui lui est due : « Si en 2018 on ne se montre pas en capacité de le faire, nous allons louper ce 2ème train », lançait Mahafourou Saidali, DGS du Département. Sous-entendu, l’enveloppe qui nous sera octroyée sera de nouveau minorée…
Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com
* Les 9 régions ultrapériphériques européennes (RUP) sont : Les 5 DOM français et Saint-Martin, pour la France, les Canaries pour l’Espagne, et les Açores et Madère pour le Portugal
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