La dernière crise sociale qui a sévi le mois dernier à l’hôpital a retenti comme un ultime coup de semonce. Pendant plusieurs jours le dispensaire a été fermé par des soignants-manifestants, et les urgences ont été très perturbées sur deux journées. Une situation intenable pour qui consacre sa vie à soigner les autres, et qui coïncidait avec la visite de la ministre de la Santé Agnès Buzyn, arrivée sur un territoire terriblement sinistré sur le plan de la Santé, sans annonce, mais avec des promesses qu’il y en aurait. Confirmées quelques jours plus tard par le directeur de l’Agence régionale de Santé Océan Indien.
A l’issue de cette crise, on apprend que 70 départs sont annoncés au Centre Hospitalier de Mayotte (CHM), dont le personnel restant ne peut déjà plus supporter la moindre surcharge de travail. Un manque de moyens humains lié à un centralisme des décisions à La Réunion, qu’elles soient sanitaires, avec tout le décalage que l’on peut craindre entre nos deux îles, ou financières.
Rattraper l’injustice
Sur ce plan, Mayotte n’a que des miettes du Fonds d’Intervention Régional, 9%, et les chiffres donnés lors d’une rencontre organisée par le Conseil économique et social en présence des directeurs régional, François Maury, et départemental, Xavier Montserrat, avaient révélés que la dépense de santé par habitant et par an se montait à 900 euros à Mayotte contre 3.000 euros à La Réunion. La revendication des grévistes d’avoir une ARS autonome n’est donc pas tombée du ciel, mais se base sur du concret.
Une iniquité manifeste qui appelle à un rattrapage, dans un premier temps, et dans une refonte totale du mode de gouvernance. Distillé par petites touches par la ministre Buzyn lors de son passage, il se pourrait que cette évolution soit de grande ampleur, et que l’on se dirige vers une ARS autonome à Mayotte, recevant ses directives et son financement directement depuis le ministère de la Santé.
L’île est-elle prête à assumer cette responsabilité ? L’expérience nous a montré qu’on ne peut décentraliser sans doter de compétences un territoire sous peine de le laisser livré à lui-même.
A quand l’ARS M ?
Pour ne pas s’égarer dans la précipitation, il est donc prévu de rattraper le retard de dotation, ce qui ne sera pas simple, même si c’est un dû. Pour ensuite, étudier la possibilité d’un management local. On se souviendra que c’est une alerte qui avait été donnée dès l’évolution de la DASS vers l’ARS OI, de la part de cadres comme Mouhoutar Salim, qui a été nommé il y a quelques mois directeur adjoint (un signe fort), et Anchya Bamana, Chargée de mission, qui avait alerté sur les risques de subordination de Mayotte à La Réunion, « on s’en doutait, mais nous avons fait confiance », nous avait-elle glissé quelques années plus tard.
Selon nos informations, les médecins auraient voté en faveur de la sortie du Groupement Hospitalier du territoire (GHT), qui avait été acquis dans le protocole de fin de conflit mi-novembre, qui acte aussi “le fléchage des crédits destinés au CHM directement depuis le Ministère des Solidarités et de la Santé”.
L’autre signe fort est le profil du nouveau directeur de la délégation mahoraise de l’ARS. Ancien élève de l’Ecole Supérieure des Sciences Économiques et Commerciales Paris/Singapour et de l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique de Rennes, Xavier Montserrat a aussi en poche un doctorat en Science de l’information et de la communication médicale à l’Université de Rennes et un diplôme en droit public à l’Université de Lille. Ancien directeur d’hôpital, il est aussi passé par le ministère de la Santé. Il n’est donc pas à ce poste par hasard.
L’émancipation est donc une question qui va se poser en 2018. Au point d’accoler la lettre M aux 3 premières de l’ARS ? C’est une décision politique autant que de gros sous.
Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com
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