Deux gendarmes qui portent plainte pour outrage contre un troisième, c’est un dossier “atypique pour un corps habitué à laver son linge sale en famille” selon les mots du président Banizette. Un dossier qui semble symptomatique de tensions récurrentes entre gendarmes permanents et mobiles à Mayotte. C’est du moins ce qu’a essayé, sans succès de vérifier le tribunal.
Tout commence dans le quartier des Hauts Vallons, le 17 novembre dernier. Comme beaucoup d’autres clients, le gendarme poursuivi au tribunal, qui se présente comme un négociateur mais qui n’était pas en service, avait garé son scooter devant la terrasse du M’Biwi où il déjeunait. Et comme souvent, les gendarmes mobiles qui passent par là pour partir en intervention ont dû chercher le propriétaire du deux-roues pour le faire déplacer. Le propriétaire du scooter se manifeste rapidement, mais au lieu de simplement déplacer son véhicule, il commence par arguer que ce dernier ne gène pas, avant de sortir sa carte professionnelle. Selon les témoignages, le ton est alors “sec mais pas violent”.
Le scooter déplacé, les gendarmes mobiles repartent. Mais en arrivant au bureau, ils décident a posteriori de verbaliser leur collègue pour stationnement gênant. Ce dont l’intéressé est averti par un courrier une semaine plus tard. Jugeant scandaleux d’être verbalisé par des collègues, il se fend alors d’une longue publication sur Facebook. Sur un profil public, visible par des collègues officiers de la mobile. Auditionné, il explique avoir eu l’intention que ce post “arrive aux oreilles” de l’agent verbalisateur. “L’idée était qu’il prenne une fessée par ces hauts-gradés” a-t-il admis lors de son audition, avant de rentrer en métropole. Le prévenu affirmait toutefois ignorer que la publication, depuis supprimée, était publique, et niait avoir voulu “porter préjudice à la gendarmerie”. Ce dernier était absent à la barre.
“Une erreur déontologique”
“Un tel problème peut porter préjudice à ma carrière, il y a eu 8 partages et de nombreux commentaires” explique à la barre le tout jeune gendarme, plaignant dans cette affaire.
A ses côtés, son capitaine a lui aussi porté plainte, au nom de toute la compagnie mise en cause dans la publication. “A ce moment là, c’était un simple citoyen, poursuit le jeune gendarme, sa carte professionnelle n’est pas un passe-droit, il faut plutôt être exemplaire” conclut-il avant de réclamer 1000€ de dommages et intérêts.
“Le parquet a décidé de renvoyer cette affaire devant le tribunal correctionnel car la loi est la même pour tout le monde, expliquait alors le procureur Rieu. Le fait que ce monsieur fasse état de sa qualité de gendarme est une erreur déontologique, il est un citoyen qui déjeune et dont le véhicule gène. Ce n’était ni nécessaire ni souhaitable. Il réclamait 1000€ d’amende.
L’avocat de la défense Me Andjilani a regretté quant à lui que cette affaire parvienne à “une audience publique où tout le monde voit des gendarmes porter plainte contre d’autres”. Il estimait en outre qu’en vertu de l’article 433-5 du code pénal, l’outrage ne peut être retenu que pour des propos “non rendus publics, or là on a des propos qui ont été vus par tout le monde” et demandait la relaxe.
Le délit d’outrage a finalement été retenu contre le gendarme mis en cause, qui a été condamné à 300€ d’amende délictuelle, et à verser 500€ de dommages et intérêts à son jeune collègue.
Y.D.
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