Avant même son nouveau mandat de député, et sans doute ces propos n’auront pas été étrangers à ce renouvellement, Mansour Kamardine avait affirmé en janvier 2016 que « Mayotte était au bord de la guerre civile ». Il pointait les risques de tensions communautaires des habitants à l’encontre des étrangers en situation irrégulière.
Ce à quoi nous avons assisté lors de la mobilisation en faveur de davantage de sécurité, avec une halte le premier jour, puis des propos agressifs devant le service des étrangers de la préfecture, remet au goût du jour ces propos. En cause, ce que nous dénonçons depuis des années, l’accès rendu de plus en plus difficile aux services publics pour les Mahorais, notamment sur les soins ou la scolarisation. Le manque d’investissement de l’Etat par rapport à la démographie et à la pression migratoire, croissantes, incite à pointer du doigt ceux qui arrivent en masse depuis les îles voisines.
Dans un communiqué ce jeudi 22 février, le député mahorais indexe une nouvelle fois la puissance publique : « En ignorant, avec morgue, le mouvement social contre les violences en milieu scolaire à Mayotte qui s’amplifie, jours après jour, le Gouvernement passe de l’indifférence à la provocation vis-à-vis des élèves, des familles, des enseignants, des conducteurs de bus scolaires, des agents en charge de la sécurité et plus largement vis-à-vis de l’ensemble des habitants de Mayotte. L’absence de réponse de l’Etat après des mois d’alerte lancée par les agents de l’éducation nationale, les parents d’élèves, les conducteurs de bus scolaires, les membres des forces de l’ordre et les élus est le signe d’un profond mépris vis-à-vis des personnes mais également de principes fondateurs : l’égalité chance dont l’éducation nationale est le principal garant et la sanctuarisation des lieux d’enseignement. »
2 fois plus d’élèves que prévu
Il rappelle les déséquilibres : « Dans le département de Mayotte, malgré la situation sociale des familles (84% de la population sous le seuil de pauvreté), l’éducation nationale dépense 2 fois moins par élève que la moyenne nationale. En effet, l’effort par élève et par an à Mayotte est d’environ 4.200€ contre 7.800€ en moyenne en France. Le taux de scolarisation des enfants à 3 ans est d’un peu plus de 50% contre 98,5% en moyenne nationale. 90% des élèves en primaire n’ont accès qu’à une simple collation en lieu et place d’un repas. »
Des déséquilibres qui frisent aussi le gigantisme : « Il existe à Mayotte des collèges à 2000 élèves alors qu’ils sont construits pour seulement 900 élèves, des écoles primaires à 1000 élèves, comme nulle part ailleurs. Il manque actuellement plus de six-cent classes de primaire dans le département pour assurer un nombre d’élèves par classe dans la moyenne nationale. Enfin, il conviendrait d’ouvrir une nouvelle classe par jour pour garantir l’accueil dans le système scolaire de la trentaine de naissances quotidiennes, pour l’essentiel d’origine clandestine. Bref, à Mayotte, les enfants les plus pauvres de France sont scolarisés, pour beaucoup, à mi-temps, dans des classes qui débordent ! »
Des gendarmes faute de surveillants
Et il reproche l’absence de classes de niveau, adapté à la situation : « Le taux d’encadrement des classes est le plus bas de France alors qu’il existe une très grande disparité des origines et des âges dans les sections scolaires du fait d’une immigration clandestine non maîtrisée, qui nous submerge et qui entraîne le mélange d’une minorité de jeunes français avec une majorité de jeunes étrangers. » Mansour Kamardine suggère de “décider de doter les collèges et les lycées de Mayotte de deux surveillants supplémentaires par structure afin d’assurer le filtrage des élèves à l’entrée des collèges et lycées.” Tous les établissements ne sont pas victimes de violence à Mayotte. A l’entrée du lycée agricole de Coconi notamment, le surveillant fait un travail de proximité avec chaque élève.
De ces déclarations, on peut déduire que par manque d’investissement en amont, notamment dans le scolaire, on arrive à une situation de tension telle, qu’il faudrait pour l’endiguer, des forces de l’ordre à tous les coins d’établissements. Ce n’est donc une économie pour personne, ni pour les deniers publics, ni pour l’éducation des jeunes qui en pâtit ces deniers mois.
Une autre voix s’élève, celle du maire de Bouéni, Mouslim Abdourahamane, qui invite les élus à « sortir de leurs beaux fauteuils, de leurs beaux salons », pour « soutenir la population qui est aux abois ».
Si les parents ont leur (large) part de responsabilité dans ces débordements de la jeunesse, des investissements à la hauteur de la demande en éducation pourraient apaiser la situation en attendant d’utiliser les ressors de la société civiles (communautés villageoises, etc.)
Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com
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