A La Réunion où la communauté mahoraise est importante, les informations en provenance de Mayotte préoccupent. Les sites d’informations et les réseaux sociaux sont pris d’assaut pour suivre au fil des heures l’évolution de la grève générale et la tournure des évènements.
Si les raisons qui poussent la population à descendre dans la rue et bloquer les principaux axes routiers sont jugées légitimes, ce sont les débordements et l’avenir du mouvement qui inquiètent.
Lorsque l’on interpelle les Mahorais de La Réunion sur le quotidien de leurs compatriotes restés à Mayotte, la réaction est unanime : « La situation n’est plus tenable ». D’ailleurs, si beaucoup ont quitté le 101ème département à leur majorité, baccalauréat en poche, pour poursuivre leurs études, d’autres ont quitté Mayotte, à regret, pour chercher de meilleures conditions de vie.
C’est le cas d’Assiati, originaire de M’tsamboro et installée depuis 3 ans à Saint-Joseph, « nous sommes partis principalement pour l’éducation des enfants, mon aîné rentrait au collège. Ici au moins, je pars l’esprit tranquille au travail : je ne crains pas que son bus se fasse caillasser ou que des jeunes l’agressent pour lui voler son sac ». La mère de famille vit dans un quartier paisible du centre-ville avec son mari et ses trois enfants. Quotidiennement depuis qu’elle a quitté son île, elle s’informe sur l’actualité et constate que les faits-divers violents font la Une des journaux. « Je suis attristée car Mayotte c’est mon petit coin de paradis, je souhaite y vieillir, je souhaite que mes enfants y construisent leurs maisons, mais quand j’écoute ce que me racontent mes proches, j’ai peur. »
« Ici on ne laisse pas durer un mouvement aussi longtemps »
Depuis trois semaines, les Mahorais de la Réunion sont tenus en haleine par la grève générale. Les manifestations, les barrages et les prises de paroles médiatiques sont relayés dans les médias réunionnais. « Je comprends que les gens en aient marre ! Payer des impôts et ne pas pouvoir se soigner, l’insécurité qui augmente… Si je trouve que la manière de revendiquer est un peu extrême, je pense qu’il y a urgence » explique Nasrine, installée à Saint-Denis depuis 2016.
La jeune étudiante n’est pas tendre avec le pouvoir en place « on a l’impression que les gouvernements se suivent et rien ne change. Le peuple souffre mais cela n’a pas l’air de le toucher ». Elle a d’ailleurs son avis sur les mesures qui pourraient soulager les maux de son île : « Que les élus cessent d’être laxistes, qu’on reprenne le dialogue entre la France et les Comores et qu’on accompagne davantage les jeunes en difficulté ».
Pour Dassami, qui a grandi à La Réunion, c’est la passivité des pouvoirs publics qui l’interpelle : « Ici on ne laisse pas une grève durer aussi longtemps. On a vraiment l’impression que Mayotte est un département oublié, c’est malheureux. »
« Dans mon enfance on vivait bien, on pouvait aller chez la voisine sans avoir peur, aujourd’hui les gens vivent enfermés, ce n’est pas normal » constate Marie, étudiante. Cette dernière est catégorique, et contrairement à la majorité des personnes rencontrées, si le climat global ne s’améliore pas, elle n’envisage pas de retourner vivre un jour à Poroani, le village qui l’a pourtant vu naître.
Les Mahorais, mais aussi les Réunionnais inquiets
Insécurité, immigration clandestine, systèmes de santé et d’éducation défaillants… les causes citées par nos interlocuteurs sont toujours les mêmes. Cependant les méthodes utilisées par les organisateurs du mouvement sont parfois critiquées : « déjà que l’économie va mal, si en plus on bloque tout, comment les gens vont se relever ? J’ai vécu les grèves de 2011, je me souviens de la panique quand les pénuries dans les magasins et les station-essence ont démarré… Il ne faut pas que ça dégénère » s’inquiète Assiati.
«Le gouvernement doit débloquer les milliards d’euros dont le département a besoin pour rattraper son retard. C’est ce qui a été accordé en Guyane grâce aux 500 frères, il faut au moins cela pour que les Mahorais voient le bout du tunnel » lance Ismaël. « Pourquoi ne pas envoyer les 4000 ou 5000 mineurs délaissés dans des familles d’accueil en métropole comme l’a proposé Jean-Luc Mélenchon ? Et pour les autres, les parents doivent s’occuper d’eux, un couvre feu devrait être mis en place et en cas de non-respect, c’est la garde à vue ! » propose Housnate.
Si les Mahorais hors de leur île s’inquiètent, les Réunionnais aussi. Quelques minutes d’écoute de la célèbre radio Freedom suffisent pour se faire une idée. Certains expriment sans filtre leurs craintes de se voir à leur tour « envahir », d’autres, la majorité, compatissent avec leurs compatriotes, et se demandent bien où tout cela va les mener.
M.C.
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