A l’école, c’est un élève. A l’hôpital, un patient. Chez lui c’est un enfant et dans la rue ou au sport, c’est un jeune. “Mais c’est toujours la même personne” souligne le principal du collège Ouvoimoja Jean-Loup Munier, à l’initiative du colloque.
“Au départ, il y a la conviction qu’il faut travailler en partenariat, relate le chef d’établissement. En début d’année au collège, on a fait une demande de formation sur l’approche éducative et psychologique des adolescents. Suite aux événements de ces derniers temps, on a décidé de transformer cette formation en colloque.”
Cette idée découle de l’expérience du principal dans le Gard où il officiait avant d’arriver à Mayotte. “C’était la première Zone de sécurité prioritaire (ZSP) en zone rurale, on y avait mis diverses actions avec la BPDJ (brigade de prévention de la délinquance juvénile), notamment un procès reconstitué avec les élèves. J’en ai retenu que les belles rencontres font les beaux projets.” Parmi les projets menés dans le Gard, la création d’un RRL, Rappel à la Responsabilité des mineurs. L’équivalent du rappel à la loi prévu dans le code pénal, mais dans le cadre scolaire, sans casier judiciaire à la clé donc.
Or, ZSP et BPDJ sont des notions qui arrivent à Mayotte.
“L’idée forte, poursuit le principal, c’est que dans toutes les actions qui sont menées, tout seul on va plus vite, mais dans le mur. Alors que si tout le monde travaille ensemble, on va plus loin.”
Soucieux d’établir des partenariats et “une complémentarité pour éduquer et former un citoyen intégré dans la société” le principal a convié divers intervenants pour ce colloque.
Celui-ci a été inauguré par les jeunes de l’Ecole du Civisme du Capitaine Chamassi. S’en est suivie une intervention de Thierry Lizola, référent police du collège. Puis le Dr Berenguer, pédopsychiatre au CHM, a présenté son travail.
L’après-midi était consacrée à l’éducation avec une formatrice académique, Barbara Lepers, et des représentants des Céméa, puis au volet justice. Nathalie Zahi, juge des enfants, a pu exposer le lien qu’elle tisse entre justice et prévention.
“Le juge des enfants a deux casquettes, le rôle pénal, et un rôle éducatif. Au pénal on prononce des mesures éducatives qui sont assurées par la PJJ (protection judiciaire de la Jeunesse), ça peut passer par de la liberté surveillée, ou des mesures de réparation.”
Mais le juge des enfants a aussi un rôle social, l’assistance éducative. “On soutient les familles qui peuvent à un moment donné se trouver en difficulté avec leur adolescent. Lequel peut aussi être en danger dans sa famille, maltraité ou pas nourri.” Dans ce dernier cas, l’assistance éducative peut laisser place à une prise en charge par l’Aide sociale à l’enfance avec un placement à la clé.
La magistrate dénonce aussi l’expression “enfant du juge”. “Des parents n’osent plus punir car ils disent que c’est eux qui iront en prison”, fruit d’une longue histoire de punitions corporelles interdites en France et d’un manque de formation des parents pour des formes alternatives d’éducation, qui ont laissé un vide pour de nombreux jeunes aujourd’hui en perte de repères.
Sur le plan pénal, l’évolution est flagrante. Présente sur le territoire mahorais en 2010, Nathalie Zahi n’y comptait aucun mineur en détention. Aujourd’hui, les 30 places pour mineurs délinquants à Majicavo ne suffisent pas toujours. “On a eu jusqu’à 38 détenus l’année dernière” déplore-t-elle.
Signe des enjeux spécifiques du territoire en matière de prise en charge des mineurs, le volet pénal représente “70 à 80%” du travail pour 20 à 30% d’assistance éducative. “En métropole ou à La Réunion, c’est l’inverse”.
Y.D.
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