Un vendeur de terrain, déjà condamné à les rembourser, se retrouve au pénal pour escroquerie. Et l’homme ne s’en laissait pas compter.
L’audience correctionnelle prenait au cours de la matinée de ce mercredi 11 mars une allure de terrasse de café : les avocats de la partie civile et de la défense allaient et venaient dans la salle du tribunal de Grande Instance, intervenaient selon leur bon vouloir auprès d’une présidente qui discutait avec le procureur, qui venait lui-même auprès d’elle consulter les dossiers. C’est que le prévenu prenait avantageusement la parole, dissertant, donnant un respectueux «madame la présidente» à chaque intervention, et reléguant pour un temps son avocat au rang de spectateur.
Car Houssen* est un personnage. Héritier parmi onze autres, d’un terrain sis à Mtsangaboua (commune de Bandraboua), il en avait vendu, entre 2008 et 2010, une partie à deux personnes, 700m2 pour 29.000€ à l’un, et la même surface pour 35.000€ à l’autre. «Vous avez laissé croire que vous en étiez propriétaire, or l’indivision n’était pas réglée», attaque Viviane Peyrot qui préside l’audience.
Il a déjà été jugé au civil en mai 2013. Il n’a pas été condamné, mais la justice lui a demandé de rembourser les acheteurs, les terrains n’ayant pas été livrés. Sûr de son bon droit, il fait alors appel indiquant ne pas pouvoir rembourser et désireux que la vente soit menée à son terme. On ne sait pas trop si le délibéré de l’appel est sorti : «je vais vous le transmettre», indiquait l’avocat des deux malheureux acheteurs, le bâtonnier Saïdal, alors que pour Me Eric Hausser qui défend l’accusé, il ne sortira qu’en mai…
Border line
Y a-t-il eu escroquerie et intention d’escroquer ? C’était tout l’enjeu de l’audience du jour. Les sommes ont été débloquées au titre d’une promesse de vente, ont été encaissées et dépensées par Houssen, «alors que vous deviez les mettre sur le compte de l’indivision», indiquait un assesseur. De plus, difficile de savoir s’il était mandaté : il a bien une procuration, «mais pour les démarches administratives pas pour la vente. D’autre part, au moment de la cession, vous ne saviez pas quel lot sur les 3 hectares allaient vous revenir !» s’exclamait le second assesseur.
Mais pour Houssen, les choses sont claires, «il y avait eu un morcellement cadial madame la présidente, et le droit commun s’appliquant, il a fallu recommencer». Une législation française qui, remettant les bornages à zéro, a permis de doter les héritières de la même surface que leurs homologue masculins de la famille, elles qui n’en recevaient que la moitié selon le partage du cadi…
Quant à l’argent perçu, il a été utilisé à une opération immobilière sur Petite-Terre. Le terrain est toujours en indivision, «le notaire nous demande 15.000€ et le géomètre 9.000€ !» se justifie Houssen. «C’est plutôt que les héritiers ne s’entendent pas», intervient Me Saïdal, essayant de stopper le flot de parole de l’accusé. Ce qui irritait un Me Hausser qui demandait que le temps de parole de chacun soit respecté.
Une clarté confuse
Le bâtonnier dans sa plaidoirie déclarait que le prévenu n’en était pas à son premier forfait, «il y aura d’autres plaintes !» Outre le remboursement des sommes déjà demandées selon lui dans le jugement d’appel, il réclamait 1.000€ de dommage et intérêts pour chacune des victimes, assortis d’un remboursement des frais de procédure de 500€.
Pour le procureur Michel Alik, «Houssen, c’est la confusion dans la clarté et la clarté dans la confusion!» Il assure avoir devant lui «plus qu’un directeur d’école, un véritable homme d’affaire !» Il demande donc une sanction-réparation : «il a six mois pour rembourser, sinon c’est la prison pendant 6 mois».
L’avocat de Houssen a la parole, il en profite pour démonter l’argument de l’escroquerie, «les frères et sœurs se seraient plaints si mon client n’avait pas eu les pouvoirs. Or, ils savent que chacun des héritiers a 1/12ème du terrain, soit 3.000m2 chacun, il n’a donc pas encore vendu totalement sa propre parcelle». Eric Hausser en profite pour informer que la valeur des terrains est plus proche de 100.000€ aujourd’hui que de 30.000€, et rappelle que le jugement au Civil n’avait décelé aucune faute, «pourquoi y aurait-il une faute au pénal ?» Enfin, il s’agissait d’une époque, pas lointaine, mais loin des normes administratives, «où un bout de papier et une signature suffisait pour une vente».
Cerise sur le gâteau, ou plutôt épine dans le pied, «la mairie de Bandraboua a installé un terrain de football au milieu de la propriété, ce qui ralentit le travail du géomètre»…
Le délibéré tombera le 19 mars, «après que vous nous ayez transmis l’arrêt du jugement d’appel», rappelait Viviane Peyrot au bâtonnier.
Houssen était déjà parti serrer les mains des juges de la Cour…
A.P-L.
*Prénom d’emprunt
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