Des bovins, des poules et une quinzaine de stands d’informations. La première “journée de l’élevage” à Mayotte oscillait entre salon de l’agriculture pour le grand public et foire spécialisée pour les acteurs du secteur. Et ce fut un succès, les allées ne désemplissaient pas hier à Coconi.
C’est le RITA, le réseau d’innovation et de transfert agricole, qui est à l’origine de ce rendez-vous inédit. Pour Elodie Savignan, la coordinatrice du RITA, « il était essentiel de permettre aux éleveurs et aux techniciens agricoles de Mayotte d’avoir accès aux résultats des nombreuses recherches menées localement ces dernières années. »
Ces travaux ont déjà bouleversé le secteur, comme par exemple, dans l’élevage bovin. Il y a six ans, une cinquantaine de vaches de race montbéliarde, ont été importées dans le département. Alors que les zébus, élevés traditionnellement à Mayotte, pèsent entre 200 kg et 400 kg, les Montbéliardes en font le double. L’intérêt pour la production était donc évident. Mais les problèmes rencontrés ont été fort nombreux.
D’abord, «cette race de vache est habituée à vivre avec des températures qui oscillent entre -10° et +20°… une fourchette thermique parfaitement inconnue chez nous, explique Laure Dommergues, épidémiologiste du CIRAD détachée à la CoopADEM*. Ensuite, les maladies et les parasites d’une île tropicale sont bien différents de ceux que les animaux ont à affronter en Europe. Enfin, une bête deux fois plus lourde, c’est du travail supplémentaire pour l’éleveur qui doit fournir deux fois plus de fourrage.»
Pourtant, malgré ces obstacles, l’expérience ne fut pas totalement un fiasco. Certains éleveurs sont parvenus à maintenir et même développer leur cheptel. Et de nombreux croisements avec les zébus ont été opérés, donnant naissance à un élevage original. Il est capable de fournir plus de lait et de viande que ne le font des zébus et il résiste mieux aux conditions locales que les Montbéliardes. Ces croisés représentent actuellement quasiment la moitié des 18.000 bovins de Mayotte.
Les éleveurs appelés à produire du fourrage
De nouvelles expériences s’apprêtent à modifier le secteur et nos paysages. Actuellement, les éleveurs ne valorisent que très peu leurs parcelles. Pour nourrir leurs bêtes, nombreux sont ceux qui vont couper du fourrage, parfois assez loin de chez eux. Ce sont les fameux « buissons ambulants », ces énormes fagots de branchages transportés parfois en scooter sur les routes du département. Les chercheurs du CIRAD (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement) ont travaillé sur les plantations que les éleveurs pourraient développer sur leur terre.
« On est capable de participer à une journée comme celle-ci, car depuis un an et demi, on a mené des études qui nous permettent de dire précisément ‘quoi, quand et comment’ planter, fertiliser et couper», témoigne Laura Balbérini, ingénieur recherche au CIRAD. Ainsi, la culture de certaines espèces de canne ou des touffes de Panicom, une graminée qui pousse en motte, pourraient se multiplier, permettant aux paysans d’offrir à leurs animaux une alimentation qui accroisse les rendements.
Bientôt des moutons mahorais
Enfin, un nouveau cheptel pourrait voir le jour prochainement à Mayotte : des moutons pourraient être importés pour la première fois.
La Chambre d’agriculture (CAPAM) a transmis les dossiers aux services de l’Etat compétents pour préparer, principalement d’un point de vue sanitaire, l’arrivée des bêtes. La prochaine « journée de l’élevage » pourrait donc être l’occasion de déguster des gigots, d’agneaux élevés à Mayotte.
RR
*CoopADEM : Coopérative agricole des éleveurs mahorais
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