Tout était parfaitement programmé. La venue dans l’hémicycle du Conseil général de Victorin Lurel, le ministre des outremers, et de Johannes Hahn, le commissaire européen chargé de la politique régionale, s’annonçait très protocolaire. Chacun allait jouer sa partition se félicitant de la perspective pour Mayotte d’intégrer le club des RUP (régions ultrapériphériques européennes) et en rappelant les enjeux notamment financiers.
C’était sans compter « la franchise » du ministre des outremers qui a souhaité répondre au discours du président du Conseil général qui avait omis de citer les avancées obtenues par Mayotte sous l’actuel gouvernement : « Par exemple, le RSA, on vous l’avez promis en 25 ans. On arrive en période de crise (…) et malgré les difficultés, ce gouvernement a décidé d’accélérer le processus. »
« Cela fait 18 mois que nous sommes là, souligne avec malice le ministre. Mais le pacte pour la départementalisation, cela fait des années qu’il a été signé. » Une manière de souligner la responsabilité du précédent gouvernement, qui avait finalisé le fameux pacte un an avant le changement de majorité.
Mais c’est sur la question du redressement des comptes du Conseil général que le ministre a été particulièrement acerbe. Daniel Zaïdani avait longuement mis en avant les efforts de la collectivité, prévoyant un retour à l’équilibre « après cinq ans de déficit » pour la fin de l’année. « On voit le bout du tunnel » se félicitait même le président. Un avis pas du tout partagé par le ministre qui ne s’est pas privé de le faire savoir : « L’État reste très attentif à l’effort de redressement. Mais en tant que ministre, je vous le dis, vous n’êtes pas au bout du chemin. Vous parlez d’équilibre monsieur le président, ce n’est pas les chiffres que j’ai. »
Un déficit de 25 millions d’euros à la fin de l’année
Et Victorin Lurel de rappeler les nouvelles dépenses en particulier celles liées à l’indexation de salaires des fonctionnaires. « Vous avez voulu l’indexation, mais cela va faire, pour les 3037 employés du Conseil général, entre 9 et 10 millions d’euros à aligner, à trouver. Si les choses devaient se passer comme nous le pressentons, vous aurez un déficit de 25 millions d’euros à la fin de l’année. »
Le commissaire européen ne bouge pas un sourcil, penché vers sa traductrice. Le président Zaïdani se décompose sur son fauteuil.
D’autant que le ministre poursuit son argumentaire : « Et au-delà des finances du Conseil général, ce sont celles des communes et de toutes les collectivités qui ont des problèmes. Est-ce les résultats de l’action du gouvernement ? Est-ce le résultat d’une départementalisation au rabais ? »
« Seule la vérité est la solution. Ce n’est pas en forçant la réalité qu’on va emporter la décision. La vérité est têtue, elle est incontournable ! »
Le ministre achève son intervention en s’adressant à l’ensemble des élus de la collectivité et à travers eux, à l’ensemble des Mahorais : « Mayotte ne doit pas regretter son choix. Ce n’est pas ce gouvernement qui fera de Mayotte un sous-département ou une sous-RUP » rappelant que la « bienveillance » de l’État « sera toujours doublée d’exigence. »
Ce soir, le message est bel et bien passé ce qui n’améliorera probablement pas les relations délicates que semblent entretenir le président du Conseil général et le ministre des outremers.
RR
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