Accompagner les personnes condamnées en justice sur la voie de l’insertion, en les accueillant dans sa structure au titre de Travail d’Intérêt général, voilà un beau challenge ! C’est celui qu’ont relevé avec réussite les sapeurs pompiers de Mayotte.
Scie en main, Ibrahim* s’affaire à l’atelier. Il travaille au Service Technique du Services Départemental d’Incendie et de Secours (SDIS, les pompiers), «au moins quand j’aurai terminé, je rentrerai chez moi», contrairement aux autres prévenus. Car Ibrahim purge sa peine en Travail d’Intérêt Général. Le TIG a été introduit il y a 30 ans dans le système pénal. Il permet au condamné de payer sa dette à la société en effectuant un travail non rémunéré. La mesure permet d’éviter la désocialisation liée à l’incarcération, favorisant donc l’insertion sociale et implique les partenaires de la société civile, qui accompagnent cette exécution de la peine.
Pour Ibrahim, 19 ans, aucune hésitation : «le juge d’application des peines m’a proposé de choisir entre le port d’un bracelet électronique ou d’effectuer un travail d’intérêt général. J’ai choisi cette solution où j’avais plus de liberté». La surveillance électronique est en effet plus adaptée à ceux qui ont conservé un emploi rémunéré. Condamné à 105 heures, soit 3 semaines, il serre les dents lorsqu’il pense qu’il ne sera pas payé à la fin du mois : «ça rentre dans la tête, on se dit qu’on a mieux à faire. A mon âge, je ne peux plus me permettre de faire l’andouille» jure-t-il.
Former le tuteur
Arrive un homme, grand, tout sourire, qui entre dans la caserne. «Tiens salut Hervé* !»… grandes effusions : «Hervé vient de terminer son TIG. Une grosse peine, 210 heures. Il a fait un travail exceptionnel !». C’est le capitaine des pompiers Didier Ragon qui parle. C’est lui qui prend en charge la quarantaine de TIG qu’envoie chaque année Rose-France Reynes, directrice du service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation (SPIP). Éducateur au début de sa vie professionnelle, la fibre sociale ne l’a jamais quitté, «j’ai failli démissionner pour intégrer un Établissement Public d’Insertion de la Défense» explique celui qui est à Mayotte depuis 10 mois, «je n’ai aucune prime, aucune surrémunération, je suis là car j’avais envie de venir, envie de sortir des jeunes de la galère»…
Son parcours n’a pas nécessité une formation adaptée, mais ce n’est pas toujours le cas : «nous proposons environ 85 TIG par an maintenant, or aucune formation des tuteurs n’est encore mise en place» indique Rose-France Reynes qui compte sur la journée anniversaire des 30 ans du TIG, le 28 novembre, pour améliorer le système.
Le TIG doit être réalisé dans une période de 18 mois maximum et sa durée varie en fonction de l’infraction concernée : de 20 à 120 heures en cas de contravention, de 20 à 210 heures lors d’un délit. Plusieurs structures accueillent des TIG à Mayotte : «dix mairies, la DEAL, Tama, le BSMA, le Centre hospitalier, la Poste» énumère la directrice du SPIP. «Ce système est très approprié à Mayotte où les détenus sont volontaires» souligne Didier Ragon, un sourire perpétuellement accroché aux lèvres. Il a interrompu une fois le contrat en cours, «une fois sur 150 en 5 ans ! Un individu qui ne respectait pas le personnel».
Il a conscience de mettre toutes les chances du côté du condamné : «aucun cadeau ! Du respect, un bonjour le matin et à la moindre plainte, on a immédiatement une explication».
Hervé le malgache, continue à passer le voir, à dépanner. Pour l’instant, le budget et les effectifs n’autorisent pas de recrutement.
Anne Perzo-Lafond
(*) prénoms d’emprunt
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