La SACEM est en visite à Mayotte. La société chargée de percevoir et redistribuer les droits d’auteurs tente de récupérer les sommes dues par les entreprises mahoraises pour en faire profiter les artistes locaux. Une mission qui est loin d’être facile.
C’est devenu un rituel : quatre fois par an, la SACEM est en visite à Mayotte. Tous les trimestres, la société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique vient au-devant des Mahorais.
Elle rencontre les artistes -les sociétaires en langage de SACEM- qui peuvent adhérer directement ou obtenir des informations sur leurs droits. Mais la SACEM va aussi rendre visite à ceux qui diffusent de la musique dans un lieu public : «ça peut être un coiffeur comme un restaurant, une radio comme une discothèque», précise Patrick Mathieu délégué régional de la SACEM Océan indien. Et pour eux, le temps de la pédagogie semble à présent terminé.
Des versements qui se font attendre
«En 2009, les gens étaient surpris de nous voir arriver à Mayotte, se souvient Patrick Mathieu. Logiquement, on a d’abord été dans une démarche d’information. Il fallait expliquer et vulgariser ce que ce sont les droits d’auteurs. Aujourd’hui, on avance avec beaucoup plus de rapidité vers ceux qui ont du mal à comprendre.»
Quasiment toutes les sociétés concernées, des plus petites aux plus importantes, ont signé un contrat s’engageant à verser les droits. Mais nombre de paiements se font attendre.
La SACEM explique pourtant avoir été patiente, laissant par exemple le temps aux hôteliers de s’organiser en groupement et ainsi obtenir des réductions sur les montants à verser.
«On continue à privilégier le travail d’explication. Ca n’amuse personne d’avoir à monter des dossiers contentieux.»
Les membres de la SACEM sont des agents assermentés. Ils sont donc en mesure de constater la nature des diffusions musicales et éventuellement d’entamer des démarches judiciaires. «On sait aussi faire la part des choses entre ceux qui ne veulent pas régulariser et ceux qui, économiquement, vont avoir du mal à régulariser. »
Des tarifs modulés
Les droits à verser sont définis en fonction de la commune, du nombre de places de l’établissement et du matériel utilisé pour la diffusion. Les lieux sont également classés en deux catégories. On trouve d’abord ceux où la musique est «accessoire» à l’activité, pour lesquels les droits sont réduits. Quand on déjeune dans un restaurant, la musique ne constitue alors qu’une ambiance. En revanche, le tarif est plus élevé pour les lieux où la musique est «essentielle» à l’activité : discothèques, concerts et évidemment radios. Et c’est souvent dans cette deuxième catégorie que les agents de la SACEM ont du mal à régulariser des dossiers. La chose est étonnante quand on sait que c’est précisément le travail des artistes qui leur permet d’exister.
«Un artiste ne vit pas d’amour et d’eau fraîche, note Patrick Mathieu. Tout le monde devrait pourtant comprendre que la rémunération de la propriété intellectuelle est quelque chose de fondamental qui remonte à la révolution française. Et cet argent revient dans le circuit économique de Mayotte».
70 artistes mahorais
Actuellement, environ 70 artistes mahorais sont sociétaires et peuvent prétendre percevoir un peu d’argent sur la diffusion de leurs œuvres. On en compte 1.800 à La Réunion où la création culturelle est bien plus importante et le rapport à la musique, historiquement différent.
«La musique et la production culturelle en général sont des leviers très importants du développement économique, de valorisation sociale et même d’attractivité d’un territoire”, conclut Patrick Mathieu. La victoire du Mahorais Bo Houss au Prix musique de l’Océan indien, il y a deux ans, a en effet permis de véhiculer une image positive de Mayotte dans beaucoup de régions du monde.
RR
Permanences de la SACEM : de 17 heures à 20 heures au 5/5 jusqu’à demain vendredi.
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