La Société Immobilière de Mayotte (SIM) met en garde les entreprises du secteur du BTP : leur “manque de professionnalisme” pourrait plomber leur avenir, en incitant les maîtres d’ouvrage à aller voir ailleurs.
Mahamoud Azihary, directeur de la SIM, avait rassemblé tout son staff ce mercredi matin au siège de la société : directeur financier, directeur de Développement, directeur de l’Aménagement, directeur de la construction et de la rénovation, accueillaient les représentants des entreprises du Bâtiment et Travaux Publics (BTP). Parmi les plus grosses, on trouvait la CGPME (Confédération générale des Petites et Moyennes entreprises) et la FMBTP (Fédération Mahoraise du BTP).
Et le dialogue n’est pas facile entre la SIM et les entreprises. En témoigne le flottement du début de réunion à laquelle Solo Bamana, vice-président de la CGPME, hésitait à participer. Mahamoud Azihary exposait ses griefs : «nos délais de livraison des logements sont en moyenne multipliés par trois par le fait du manque de sérieux des entreprises». Or, la SIM, qui pèse pour presque la moitié des investissements du marché mahorais du bâtiment, finance ses programmes à 50% par des prêts qu’elle doit honorer alors que les programmes ne sont pas bouclés. «Sans recettes, notre trésorerie commence à poser d’énormes problèmes».
Les jeux du hasard et du marché
Plusieurs programmes sont ainsi retardés, une dizaine selon la SIM dont Combani avec la défection d’une entreprise de gros-œuvre, alors qu’à Koungou, ce sont deux entreprises qui font défaut sur le programme Kenaparis de 18 logements : «24 mois en moyenne sont nécessaires pour boucler ces chantiers».
En cause, la mauvaise organisation des entreprises et leur encadrement selon Philippe Perot, directeur de Développement de la SIM : «certaines n’ont même pas de chef de chantier !».
Philippe Bourget, vice président de la FMBTP et directeur de SMTPC (groupe Vinci), appelait à une meilleure visibilité de la commande publique : «nos entreprises ont l’impression d’un marché atone parce qu’en dehors de la SIM, aucun prévisionnel nous est présenté. Il nous permettrait pourtant une fluidité dans l’embauche d’ingénieurs d’étude notamment et une meilleure formation du personnel».
D’autres maitres d’ouvrage que la SIM ne se donnent pas la peine de communiquer sur leurs programmes à venir. Il s’agit pour la plupart des collectivités dont la plupart paient mal, très mal les entreprises. «Les deux tiers de leur chiffre d’affaire sont de ce fait toujours dans la nature», poursuit Philippe Bourget. Lorsque c’est le cas, elles se tournent vers la SIM qui, elle, paie à 30 jours : «nous servons de banque aux autres maîtres d’ouvrage !» concluait Philippe Perot.
Les fonds européens pourraient profiter à d’autres
La SIM a pris les choses en main avec la Dieccte (Direction du travail et de l’emploi) en décidant d’accompagner quelques entreprises : «nous avons reconstitué leurs comptes pour qu’elles obtiennent la garantie décennale et travaillent avec nous». Ce qui ne les empêche pas évidemment de répondre à des appels d’offre des collectivités, souvent lors d’ententes présentées comme douteuses. «Je ne rentrerai pas dans les détails…» glissait Mahamoud Azihary.
D’autre part, le manque de concurrence n’incite pas à la baisse des prix et Mahamoud Azihary voit plus loin : «Je suis inquiet pour le développement de ce pays, les fonds européens ne pourront pas être consommés en l’état. Nous allons devoir faire appel à des sociétés extérieures, malgaches ou réunionnaises et nos entreprises ne pourront pas rivaliser.»
Il dénonçait l’absence de dialogue entre entreprise et maître d’ouvrage, «qu’avait pourtant initié François Mengin-Lecreulx», rappelait la FMBTP. Le nom de l’ancien Secrétaire général aux Affaires économiques et régionales de la préfecture était également cité par le directeur de la SIM comme étant «le seul qui ait initié une politique d’aménagement du territoire» qui permet des programmes de plus de 100 logements d’un coup, comme c’est actuellement le cas à la ZAC (Zone d’aménagement concertée) du Soleil levant où 420 logement seront livrés.
Avec 3M€ injectés chaque mois dans l’économie mahoraise, la SIM prévient : «sans amélioration, nous serons obligés de ralentir le rythme…»
Anne Perzo-Lafond
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