La prison du 21e siècle existe et elle est à Mayotte ! Dépassant la seule maison d’arrêt actuelle, ce futur centre pénitentiaire, encore en construction, améliore considérablement l’accueil et la vie des détenu(e)s et de son personnel. Un agrandissement qui devenait urgent.
Innovante sur bien des points, la nouvelle maison d’arrêt de Majicavo se pare peu à peu de nouveaux bâtiments. Et nous sommes bien loin de l’image grise de la prison qui laisse imaginer un enfer quotidien dans son sein : au blanc dominant s’ajoutent des touches multicolores du bâtiment des détenus. «Ca ne coûte pas plus cher et c’est moins austère», indique Paul-Luc Dinnequin, directeur de l’Agence Publique pour l’Immobilier de la Justice (APIJ).
Car si la maison d’arrêt ouvrait ses portes à la presse ce jeudi, c’est dans le cadre du passage à Mayotte d’une mission de l’APIJ, dont sa directrice générale Marie-Luce Bousseton. Cette agence est maître d’ouvrage de ce chantier à 40 millions d’euros remporté par un groupement mené par Colas Mayotte et conçu par le cabinet d’architecture Cardete et Huet. L’APIJ, sis en métropole à 8.500 km d’ici, est relayée sur place par le cabinet Deltah de Farrah Hafidou.
Actuellement, les prisonniers sont incarcérés dans une maison d’arrêt à Majicavo qui n’accueille théoriquement que les détentions provisoires ou les courtes peines (moins de deux ans). Une nouvelle construction était nécessaire pour, d’une part désengorger la capacité de 105 places mais qui a accueilli jusqu’à plus de 200 détenus, et aussi se doter d’un Centre de détention réservé aux prisonniers dont la peine dépasse les deux ans. En réunissant les deux structures arrêt et détention, Mayotte aura donc en 2015 un vrai centre pénitentiaire, susceptible d’accueillir tous les détenus.
L’importance de la culture en prison
Le centre de détention pour hommes de 152 places sera terminé avec la première phase des travaux en mars 2014, ainsi que le quartier pour les femmes de 8 places et celui des mineurs de 30 places.
La deuxième phase qui verra la destruction et la reconstruction de la maison d’arrêt actuelle, bouclera la chantier, livré en totalité d’ici fin 2015, qui permettra de multiplier par 5 la superficie actuelle (15.000 m2) pour 278 places.
«Ce sera le plus bel établissement pénitentiaire de l’Outre-mer!» s’exclame Laurent Ridel directeur interdépartemental Mission Outre-mer, par ailleurs diplômé en anthropologie, qui tient à souligner, avec le directeur actuel de la maison d’arrêt Pascal Bruneau, le travail du personnel «dans des conditions difficiles en partie dues à la surpopulation carcérale».
Dès la réception des locaux, les agents auront un bâtiment dédié, tout comme les familles des détenus. Et parce que «le séjour en détention ne vaut qu’accompagné d’un travail de prévention», comme le rappelle Laurent Ridel, deux studios d’unité de vie familiale sont mis à disposition et seront proposés pour 72 heures maximum aux détenus en fin de peine, ainsi qu’une bibliothèque, un lieu de culte, une salle informatique et un lieu d’activités socio-culturelles. Les deux cours de promenade extérieures accueilleront chacune 75 détenus et seront végétalisées.
Un fossé entre la maison d’arrêt et le CRA
L’ensemble du bâtiment est baigné de lumière naturelle grâce à la nef centrale, et les 32 cellules simples et doubles sur chacun des quatre niveaux, sont aérées par ventilation naturelle grâce aux portes ajourées et aux fenêtres dont certaines ont une vue mer… Des conditions de travail sans comparaison pour les uns, et une détention désormais orientée vers la réinsertion pour les autres.
En 1995, la maison d’arrêt était à Mamoudzou et nul besoin de décrire l’état de délabrement, pire que l’actuel Centre de Rétention Administratif, visible sur les photos que commente Pascal Bruneau : «lors des pénuries de gaz, les détenus partaient chercher du bois pour faire bouillir la marmite !» C’était il y a à peine 20 ans.
Et en 20 ans, il s’en est passé des choses… surtout ces dernières années : d’une délinquance quasi nulle qui se chiffrait en nombre de passeurs de kwassas, Mayotte est passée à une envolée d’actes délictueux. «Arrivée de la départementalisation attirant les Mahorais de La Réunion qui n’ont finalement pas trouvé d’emploi ici, ou conséquence des troubles de 2011, il était urgent d’agrandir la maison d’arrêt avec une délinquance des mineurs importante», glissait Laurent Ridel.
Sera-t-il suffisant au regard des chiffres ? «Il faut aussi agir sur la prévention.» Le Conseil général qui a en charge la politique de la jeunesse doit rapidement jouer cette carte.
Anne Perzo-Lafond
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