La construction d’écoles primaires est bloquée à Mayotte. Ce n’est pas faute pour l’Etat français d’y engager ses dépenses ou son énergie, mais les détournements et l’irresponsabilité politique œuvrent à l’échec collectif.
Interpellé par le député mahorais Ibrahim Aboubacar, sur les lacunes de l’Education nationale à Mayotte, le ministre Vincent Peillon a répondu en attaquant les maires sur la problématique des constructions scolaires en demandant «une prise de conscience des autorités locales». Un ministre au fait des pratiques locales…
Car la construction des salles de classe est la prérogative prioritaire du Syndicat Mixte d’Investissement et d’Aménagement de Mayotte. Le SMIAM n’assurant pas correctement sa mission, le préfet de Mayotte avait appelé il y a quelques mois à sa dissolution pour créer un Groupement d’Intérêt Public (GIP). Les maires avaient fait blocus, prétextant réorganiser la structure.
Mais depuis, plus rien. Aucune école ne sort de terre : «100% des délibérations du SMIAM sont retoquées par le préfet dans le cadre du contrôle de légalité et sont annulées par le Tribunal Administratif», explique Ibrahim Boinahery, maire de Tsingoni et président de l’Association des maires.
Car le SMIAM poursuit ses dérives «en ne respectant pas les procédures de passation des marchés, en utilisant le budget de l’Etat pour commander des études à répétition sur le même projet», commente le maire de Tsingoni, «et la commission d’appel d’offre continue à ouvrir des plis bien que l’un de ses membres ait démissionné».
«Toutes les constructions sont annulées pour 2015»
Les délégués communaux qui siègent au Syndicat ont été montrés du doigt par les maires qui n’osent pourtant pas les en chasser… à l’aube des élections municipales : «tous les maires sont unanimes sur la disparition du SMIAM, mais personne n’ose le dire tout haut !»
Et cette gigantesque politique de l’autruche appelle un arbitrage, celui de l’Etat : «le préfet peut constater le dysfonctionnement et dissoudre le syndicat. Nous nous répartirons le personnel». Et le GIP que préconisait Jacques Witkowski ? «Tout le monde veut l’intégrer en réalité !» Et d’un coup, le temps presse, pas question d’attendre les élections de mars sous peine de ne voir aucune programmation en 2015 : «tout est annulé. Seules deux écoles à Passamainty et Tsoundzou vont sortir de terre en 2014, représentant 50 salles de classe».
Et pour exemple des habitudes, le vieux briscard de la politique locale cite le chantier en contentieux sur Tsingoni, «pourtant toujours en cours. Lorsqu’il sera arrêté par le préfet pour illégalité, l’entreprise se fera payer avec dédommagement à la clef et il faudra ensuite réattribuer le marché, relancer la procédure, ce qui va doubler le coût final du chantier». A Koungou, une immobilisation avait coûté 1 million d’euros en intérêts moratoires, «on aurait pu construire une dizaine de salles de classes avec cette somme !» Là encore, c’est l’Etat qui paie…
Combien de temps la pensée que le recrutement assure d’une (ré)élection va-t-elle perdurer à Mayotte ? La paralysie qui s’ensuit ne plaide pas en faveur d’une image courageuse de l’élu.
Anne Perzo-Lafond
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