La culture, la peur de l’avenir, le manque de soutien des familles… autant de graines d’échec professionnel pour les filles que l’Association Entreprendre au féminin essaie de conjurer avec l’opération «Marraine en action».
En choisissant de créer l’association Entreprendre au féminin, les «cheffes» d’entreprises décidaient de créer un réseau facilitateur de marché. Et lorsque Noera Moinaecha Mohamed, Farrah Hafidou et leurs comparses ont décidé de proposer de «marrainer» des porteuses de projets, elles savaient à quelle cible elles s’attaquaient : «celle de jeunes filles, souvent sur un nuage, qui ne sont pas assez ambitieuses», retrace Farrah Afidou.
L’opération «Marraines en action», créée il y a un an, est portée par Ramadani Sinda. Cette fois ci, c’est vers l’enceinte du lycée polyvalent de Dembéni qu’elle a décidé de diriger 8 marraines, «des assistantes sociales, chefs d’entreprise, salariées ou retraitées.Après la Mission locale, je voulais toucher un public scolaire».
Trente jeunes filles issues de seconde, première et terminale ont été choisies pour rencontrer chacune à leur tour les 8 marraines au cours de plusieurs matinées pour «un marraine dating» scolaire. «Les filles que nous avons rencontrées veulent toutes travailler dans la vente ou le secrétariat», remarque Sinda Ramadani.
Les marraines sont donc là pour booster les volontés enfouies, «une des filleules m’a dit vouloir être infirmière. Mais en discutant de son parcours scolaire et de ses capacités, j’ai vu qu’elle pouvait très bien tenter médecine». Les réponses traduisent toujours une culture prégnante, «mon ami ne pourra pas attendre que je fasse toutes ces études !» La jeune fille est en Terminale, «mais elle songe déjà à se marier ! Et elle n’est pas la seule», se désespèrent la majorité des marraines.
Faire de la parentalité
Mais selon elles, c’est l’appui de la famille qui fait défaut. Et ces accompagnantes de bonne volonté se retrouvent vite dans un rôle d’assistante sociale voire de psychologue : «une jeune fille de la Mission locale, qui avait donc décroché du système scolaire, avait été détectée. Mais elle gardait toujours la tête baissée, renfermée. Elle était en fait maltraitée chez elle, bonne à tout faire, et menacée par ses deux frères. Le fait de l’exprimer à sa marraine lui a redonné confiance en elle.» La marraine a rencontré les parents, «ce qui a transformé la famille et la jeune fille a désormais pris son avenir en main», raconte Sinda Ramadani.
Farrah Hafidou a eu la chance, elle, d’avoir une famille qui l’a accompagnée. Après avoir suivi le lycée à Mayotte, elle entre à la Sorbonne en maths appliquées aux Sciences sociales. Le niveau ne l’incite pas à poursuivre, «j’ai fait du télémarketing, des petits jobs». Elle décide un jour de rebondir, de s’inscrire en BTS gestion des entreprises tout en continuant à travailler. Elle est alors recrutée chez Demler Chrysler.
Mais sa maman monte le service Traiteur Haribou à Mayotte. Elle refait donc le grand saut et l’aide à la gestion. C’est alors qu’elle crée avec ses frères et sœurs le cabinet Deltah, d’assistance à mîitrise d’ouvrage. Ils ont été choisis pour suivre le chantier de la prison. «La création d’Entreprendre au féminin tombait alors sous le sens, pour encourager à notre tour des porteuses de projets à éclore ou des «cheffes» d’entreprise à se développer».
Tout est trop vague
Parmi les scolaires filleules d’un jour, Jannât l’assure : «j’avais jusqu’à présent les idées embrouillées mais maintenant je sais : je frappe demain au cabinet de Fatima Ousseni car je veux être avocate !» Dhoirianti, elle, veut être journaliste, «mais je veux rester à Mayotte et passer par l’université».
Le bilan de la journée conduit les marraines à poser un constat : «tout est trop vague pour elle. Pour qu’elles se heurtent à la réalité, il faut mettre en place à Mayotte les stages en entreprises comme en ont les 3ème en métropole».
En attendant, pragmatique, le lycée de Dembéni a pris la décision d’intégrer «Marraines en action» dans le projet d’établissement.
Anne Perzo-Lafond
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