Il s’appelle l’Achatine ou escargot géant d’Afrique. Facilement repérable grâce à sa taille, on dit qu’il peut être dangereux sans réellement savoir à quoi s’en tenir. Une équipe du CHM apporte aujourd’hui des informations précises et concrètes.
L’escargot géant que l’on trouve à Mayotte peut être dangereux pour la santé. Une équipe du CHM* (Centre hospitalier de Mayotte) va prochainement publier une étude dans une revue scientifique internationale qui le démontre. L’Achatine est porteur d’un parasite qui peut provoquer, chez l’homme, une forme de méningite particulière, l’angiostrongyloïdose nerveuse, non contagieuse pour l’entourage, mais qui peut avoir de très lourdes conséquences sur le cerveau.
90% des patients mahorais sont des enfants de moins de deux ans
La maladie est connue en Asie du sud-est où elle concerne essentiellement des adultes qui mangent des escargots relativement peu cuits. La particularité de la maladie à Mayotte est qu’elle ne concerne que des enfants et en très bas âge : 90% des patients ont moins de deux ans.
La raison est simple : ces enfants ont tous joué avec ces escargots et ont ensuite porté leurs mains à la bouche. Car pour que l’homme soit infecté, il faut qu’il ingère le parasite. Le simple fait de les toucher n’est pas suffisant pour être contaminé.
A l’origine, le parasite responsable de la maladie est transporté par le rat, considéré par les scientifiques comme «l’hôte définitif». Les rats le disséminent dans la nature par l’intermédiaire de leurs excréments qui sont mangés par les escargots. Pour la première fois, l’étude du CHM prouve que les escargots de Mayotte sont bien porteurs de ce parasite. Le docteur Loïc Epelboin, médecin infectiologue qui a participé à l’étude, chiffre même à 5% le nombre d’escargots contaminés dans notre département.
Au bout de la chaîne alimentaire, les crabes qui consomment les escargots peuvent être à leur tour contaminés, mais aussi l’homme. A Mayotte, les adultes ne sont pas concernés, car traditionnellement, on ne mange que très peu d’aliments crus et sûrement pas les escargots, le parasite ne résistant pas à une cuisson longue à haute température.
Quatre décès en huit ans
La maladie a été diagnostiquée pour la première fois à Mayotte en 1996. Depuis 2006, date à laquelle la maladie a commencé à être étudiée au CHM, 13 cas ont été identifiés. Quatre enfants sont décédés, un autre vit aujourd’hui avec des séquelles neurologiques lourdes. Les autres ont été guéris.
Le diagnostic se fait par une ponction lombaire** sur des enfants qui ont de la fièvre et des symptômes neurologiques tels que des convulsions, des troubles de la conscience, la paralysie d’un membre… qui démontrent une atteinte du cerveau.
«Récemment, nous avons grandement amélioré nos capacités à diagnostiquer la maladie, explique Louis Collet, biologiste au CHM. Traditionnellement, le diagnostic était fondé sur un «faisceau d’arguments», sans preuves irréfutables. Aujourd’hui, le laboratoire du CHM a repris une technique de biologie moléculaire mise au point aux Etats-Unis en 2010, qui permet de repérer l’ADN du parasite dans les prélèvements effectués sur les cas suspects et ainsi établir un diagnostic beaucoup plus certain».
Une maladie qui reste rare
Si à Mayotte, ce travail d’inventaire et de recherche a été mené, il n’en va pas de même chez nos voisins où la maladie est également présente : des médecins du CHM ont déjà rencontré des cas de méningites aux Comores. A Madagascar, le parasite a également été retrouvé chez des rats et des escargots mais aucun diagnostic n’a pu être réalisé sur l’homme, faute de réseaux sanitaires suffisants.
Il n’est évidemment pas question de paniquer pour plusieurs raisons. D’abord, l’angiostrongyloïdose n’est pas une maladie à «potentiel épidémique» : contrairement à la dengue ou au chikungunya par exemple, elle ne peut pas se répandre massivement dans la population. Ensuite, elle reste une maladie extrêmement rare qui ne concerne «que» deux ou trois patients par an. Enfin, pour être infecté, il faut cumuler beaucoup de conditions: être en contact avec un des 5% d’escargots porteurs du parasite, le toucher suffisamment longtemps puis ensuite lécher ses mains.
Pour réduire le nombre de cas, il n’est évidemment pas question de détruire les escargots, maillon essentiel de la biodiversité et de la chaîne alimentaire animale. L’équipe du CHM recommande tout simplement de ne pas laisser les enfants sans surveillance dans l’herbe pour s’assurer qu’ils ne prennent comme jouets des animaux qui pourraient s’avérer dangereux pour leur santé.
RR
* Ce travail de recherche a été réalisé au sein du CHM par le Dr Loïc Epelboin, médecin infectiologue, le Dr Louis Collet, biologiste, le Dr Renaud Blondé, réanimateur pédiatrique et le Dr Abdourahim Chamouine, pédiatre et chef du service.
*Un examen médical qui consiste à prélever du liquide céphalo-rachidien entre deux vertèbres, au moyen d’une aiguille
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