Le procureur de Mayotte a lu vendredi dernier en Audience solennelle du Tribunal de Grande Instance de Mamoudzou un texte signé par 134 de ses confrères sur un total de 164. Ils demandent notamment de garantir leur indépendance.
«Je suis le troisième procureur à donner lecture de cette Résolution écrite lors de la Conférence national des procureurs». Joël Garrigue se faisait le porte-parole d’un corps de métier qui demande en premier lieu la restauration de l’image de leur fonction, «gravement altérée auprès de nos concitoyens par le soupçon de dépendance à l’égard du pouvoir exécutif». Il y a quelques jours, le Conseil Supérieur de la Magistrature a durement critiqué l’ex-procureur de Nanterre Philippe Courroye, suspecté d’avoir tenté de découvrir illégalement les sources de deux journalistes du Monde qui travaillaient sur l’affaire Bettencourt.
«Pour une justice impartiale», les procureurs de la République appellent donc à la mise à niveau de leur statut, «par un renforcement des pouvoirs du Conseil supérieur de la magistrature pour leur nomination et le contrôle de l’exercice de leurs fonctions».
Ils appellent également à une sécurité juridique que ne permet plus «l’avalanche de textes qui modifient sans cesse le droit et les pratiques, souvent dans l’urgence, sans étude sérieuse d’impact». Joël Garrigue fustigeait les 19 travaux qui leur ont été soumis, «à finaliser d’ici 2015. Hercule n’en a eus que 12 en 10 ans… Nous ne sommes pas des demi-dieux !»
C’est enfin le manque de moyens qui est souligné : «une étude de la commission européenne pour l’efficacité de la justice a mis en évidence sur l’année 2008 que le procureur français était en Europe investi des charges les plus lourdes, et doté, pour les assurer, des moyens les plus faibles», indique la résolution. L’interdiction de l’utilisation de la géolocalisation pour les personnes recherchées est la goutte d’eau de trop pour Joël Garrigue.
Il en profitait pour glisser le plus gros manquement à Mayotte : «l’absence d’automatisation des procédures judiciaires nommée «Cassiopée» qui permet en quelques clics de connaître les antécédents éventuels d’un suspect».
Joël Garrigue demandait en conclusion une réécriture complète du Code de procédure pénale, «si on continue à adopter ça et là des principes du droit anglo-saxon dont les fondements sont différents, les magistrats vont être classés comme les dugongs, dans les espèces menacées !»
Anne Perzo-Lafond
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