La marche ordinaire du Conseil de gestion du Parc naturel marin (PNM) a été bouleversée par deux points d’actualité qui faisaient le buzz : les thoniers senneurs gérés par la Politique commune de la pêche et l’arrêté préfectoral sur la chasse hors lagon.
Le Parc Naturel Marin a tout d’un grand maintenant ! Né en janvier 2010, il tirait ce jeudi les leçons de 6 mois d’application de son plan de gestion.
Entité abstraite, le Parc Naturel Marin (PNM) de Mayotte, deuxième du nom en France après l’Iroise, et premier ultramarin, couvre 68.381 km2 autour de l’île, à l’intérieur et à l’extérieur du lagon. C’est à dire une forme de disque allongé, sur 200 miles, soit environ 370 km autour de nos côtes. Cette surface correspond à la Zone Economique Exclusive (ZEE) sur laquelle la France exerce ses droits souverains d’exploitations et d’administrations des ressources marines et des sous-sols.
A Mayotte où pêche et tourisme se partagent le lagon, le PNM joue à la fois le rôle d’arbitre, de conciliateur… et de punching-ball. Ce fut le cas lorsque les pêcheurs découvraient l’abandon par l’Europe de leurs demandes de dérogations sur l’application de la politique commune de la pêche à Mayotte, et ensuite, lors de l’interprétation del’arrêté préfectoral sur la chasse sous marine. Ces deux sujets forts étaient au menu du Conseil de gestion du Parc ce jeudi 27 février.
Le premier était porté par Pierre Baubet (Coopérative de pêche Copemay) et Régis Masséaux, qui tenait là le double rôle de président du Syndicat de pêche et vice président du Parc Naturel Marin… Mais pas de schizophrénie pour autant chez lui : «le Parc oriente son action vers le développement de l’activité de pêche traditionnelle hors du lagon et pourvoyeuse d’emplois. Or, les navires de pêche hauturière n’utilisent pas d’engins de pêche exemplaires, et ne sont pas pourvoyeurs d’emploi.»
Des dérogations vitales
En conséquence, une délibération a été adoptée à l’unanimité moins les trois voix d’abstention parmi les quatre services de l’Etat représentés, DAAF (Alimentation, Agriculture et Forêt), DEAL (Equipement), Affaires Maritimes et Base Navale.
Une délibération qui interpelle les instances européennes sur trois points que détaille Régis Masséaux : «la reconnaissance du Parc Naturel Marin pour que l’Union européenne laisse la France décisionnaire sur ses eaux nationales. Ce qui permettrait à la France, et c’est le deuxième point, de limiter sur le périmètre du Parc, la pêche aux seuls navires immatriculés à Mayotte ainsi qu’aux navires ayant pêché au moins 40 jours dans nos eaux au cours des années 2012 et 2013. Nous demandons enfin l’interdiction des dispositifs dérivants de concentration de poissons, grands prédateurs de la ressource puisque les juvéniles viennent s’y réfugier et sont massacrés dans les sennes».
Le Parc naturel marin adresse cette délibération à l’Union européenne en demandant le soutien du ministère de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie… qui supervise aussi les Transports, la Mer et… la Pêche ! C’est un peu le vœu de la dernière chance mais Régis Masséaux veut y croire : la décision contestée était exceptionnelle et non communautaire».
L’extérieur du lagon… un far west !
Si ce point a rencontré une quasi unanimité sur le principe dans les débats du matin, il n’en est pas de même de l’arrêté préfectoral sur la chasse sous marine. Autorisant la chasse en dehors du lagon, il avait provoqué une levée de bouclier des clubs de plongée qui ne voient pas d’un bon œil des plongeurs chasseurs côtoyer leurs activités. «C’est un arrêté expérimental», rassure Régis Masseaux, «mais qui ne remplit toutefois pas les conditions d’acceptation par la population».
Réaction épidermique pour les clubs de plongée qui dénonçaient un arrêté servi sur un plateau pour protéger un acteur œuvrant illégalement depuis des années, simple législation pour les autres dans un domaine où rien n’était interdit et où n’importe quoi pouvait donc se faire… il fallait trouver un consensus. «Le Parc avait commencé à travailler sur une législation pour cette pêche de loisir qui fait l’objet de revente, nourrissant un marché parallèle», indiquait le vice président du PNM.
Le climat ambiant incite à l’abrogation pour les acteurs du Parc, «suivi par un travail en commun pour étendre une réglementation aux professionnels, mais aussi aux plongeurs chasseurs de plaisance».
Les autres points du programme de gestion du PNM étaient débattus au début de la réunion, «l’expérimentation d’une petite senne, les réserves pour la pêche aux poulpes, l’entretien des corps morts, le suivi de la qualité de l’eau, etc. ».
Le Parc Naturel Marin semble avoir trouvé sa place aujourd’hui. Il faudra qu’il la conserve demain… les sujets de tensions prenant souvent le pas sur la continuité de ses actions.
Anne Perzo-Lafond
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