Les Assises nationales du tourisme voulues par le gouvernement ont eu leur déclinaison mahoraise ce vendredi organisées par la DIECCTE*. Une cinquantaine de professionnels s’étaient déplacés. L’occasion d’établir des constats peu flatteurs.
Travaillez à ce «que Mayotte devienne une destination majeure dans les outre-mer et qu’elle donne envie.» L’invitation du préfet aux professionnels en ouverture des Assises du tourisme** ce vendredi semblait afficher des ambitions à très long terme, en tout cas particulièrement éloignées de la réalité actuelle.
Tout d’abord les chiffres. On ne compte que 70 hôtels, 7 résidences touristiques, 52 gites et chambres d’hôtes à Mayotte. Cette offre d’hébergement est surtout constituée d’entités de petites tailles puisqu’elles ne génèrent que 160 emplois.
Du côté de la restauration, même constat : avec 200 établissements et 200 emplois salariés, Mayotte est loin de proposer une offre particulièrement conséquente.
Quant aux activités touristiques, essentiellement aquatiques et subaquatiques, elles sont portées par 39 prestataires. Elles vont de la promenade en mer à la pêche sportive, en passant par la plongée, la voile ou le kayak.
Globalement, Mayotte ne dispose donc que d’un panel de métiers du tourisme très restreint. «Comme pour tous les sujets, les potentialités sont énormes mais tout est à construire à la vue des enjeux du secteur», relevait Marjorie Gasnier de la DIECCTE à l’issue de cet état des lieux.
Faire en sorte que les Mahorais soient touristes chez eux
Des pistes de développement étaient présentées par deux cabinets d’études. Il est d’abord question de «tourisme social». Le site de Mtsangabeach géré par Tama cité en exemple ou le centre équestre oublié de la présentation sont les rares structures à Mayotte à se positionner sur ce marché. Notre département doit se doter de nombreux instruments : Chèques vacances, coupons sport, bons solidarité vacances… autant de dispositifs qui permettraient aux Mahorais, quel que soit leur âge, de devenir touristes chez eux. Non seulement ils profiteraient des beautés de leur île mais ils deviendraient créateurs d’emplois.
«Comment voulez-vous que les gens protègent le lagon qui est notre point fort ?», demande un participant avant de répondre avec une autre question : «Combien de gamins de Mayotte ont déjà plongé dans le lagon ?»
Mais un professionnel objectait que sur ce sujet, tout dépend de la Caisse d’allocation familiale et des collectivités. «Tant que la CAF ou les mairies ne paient pas pour mettre en place des ‘bons vacances’, il ne se passera rien !»
Pas d’événements, peu de business
Le tourisme événementiel a également été mis en avant. Il s’agirait de développer des événements phares, organisés à date fixe, pour faire venir une clientèle régionale, à l’image du Grand Raid à La Réunion pour lequel on se déplace de très loin.
Un tourisme d’affaires était également évoqué. Mais «envisager un séminaire avec 150 personnes, c’est tout simplement impossible» faisait remarquer Céline Boscher de Baobab Tour. L’offre d’hébergement oblige à limiter la taille des groupes qui peuvent être accueillis.
Manquent les fondamentaux : routes et sécurité
Ces Assises ont été aussi l’occasion pour les professionnels d’évoquer les fondamentaux. L’absence de fédération des acteurs du secteur : chacun agit dans son coin et se retrouve confronté aux mêmes problèmes. La profession doit créer des structures pour faire avancer ses intérêts et faire entendre sa voix. La CCI pourrait jouer un rôle.
Et puis, bien entendu, comme sur à peu près tous les sujets à Mayotte, les préalables au développement manquent à l’appel : des routes correctement goudronnées, entretenues et éclairées, des taxis qui ne refusent pas les touristes et ne tentent pas de les arnaquer, et évidemment une sécurité garantie… y compris à l’intérieur des hôtels. Le cambriolage dont a été victime le directeur de casting de The Voice de passage à Mayotte dans sa chambre au Sakouli n’est pas de nature à construire une image de Mayotte «qui donne envie». La fameuse e-réputation positive évoquée lors des Assises est, elle-aussi, à construire.
Mayotte, l’île au lagon ou plutôt «L’île aux projets» comme le relevait un participant. «On en a vu des projets. On a dépensé des fortunes pour des projets alors que tout ce qui existe se bat pour ne pas fermer.»
Il notait également que l’image même du tourisme à Mayotte, véhiculée dans le monde entier, n’existe plus : le ponton de la plage de N’Gouja a été démonté. «On ne lui a même pas donné de subventions pour le rénover !»
RR
* DIECCTE : Direction de l’emploi, de la consommation, de la concurrence, du travail et de l’emploi
**Les assises du tourisme ont été voulues par Sylvia Pinel, la ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme. Chaque département organise des sessions de réflexions qui sont ensuite remontées au ministère pour préparer les évolutions du secteur.
Comments are closed.