4.000 heures de cours au lieu de 7.000… C’est un appel aux candidats des municipales que pourraient lancer les enfants de Mayotte, lésés dans leurs scolarité par rapport à ceux de métropole faute de salles de classe. Un handicap qui ne se rattrape pas.
«Je vais mettre en place des actions pour la jeunesse désœuvrée», «moi, je vais me battre pour l’emploi des jeunes», «et moi construire une maison de quartier»… les annonces ne manquent pas chez les prétendants aux mairies, et sont principalement orientées vers la tranche d’âge représentant la moitié de la population de Mayotte : celle des moins de 17 ans.
Ils ont raison puisque sur les deux tiers de la population à avoir été scolarisés, 54% sortent du système scolaire sans aucun diplôme contre 19% en métropole. Mais c’est en amont qu’il faut agir.
Cette machine à fabriquer de l’exclusion n’est pas sortie aujourd’hui, elle est la conséquence de plusieurs facteurs. Outre le problème de la langue auquel répond une tentative d’enseignement du français comme langue étrangère, ou celui de compétence de certains instituteurs qui ont été recrutés au niveau infrabac dans les années 90 pour lesquels des formations sont mises en place, une grosse injustice vient d’être mise au jour : celle de l’insuffisance d’heures de scolarisation des jeunes élèves du premier degré. Un enfant qui est scolarisé entre 2 et 3 ans en maternelle et qui termine son CM2, aura bénéficié de 7.000 heures de cours environ en métropole… et de 4.500 heures seulement à Mayotte ! C’est un peu comme s’il suivait 5 ans d’école maternelle et primaire au lieu des 8 ans pour lesquels il est inscrit…
Du concentré de décrochage
Une réelle injustice pour lequel il y a un responsable : le rythme scolaire inapproprié à Mayotte. «Une journée concentrée sur 7h-midi uniquement est impossible à suivre même en tant qu’adulte !» avait souligné le vice-recteur François Coux en marge d’une conférence de presse. Le plus difficile à croire est que rien n’ait été fait avant son arrivée !
Ce rythme aurait du être aboli, limitant la casse que l’on connaît, en répartissant les heures sur une journée comme c’est le cas en métropole. Il ne l’a pas été, et c’est la réforme Peillon qui, en imposant 4 jours et demi de cours, va pouvoir le généraliser de force à l’ensemble des communes de Mayotte, seules Bandraboua et Mtsamboro l’ayant adopté en 2013.
Mais dans quatre communes, Dembéni, Koungou, Mamoudzou et Tsingoni, ce sera impossible faute de salles en nombre suffisant : il en manque 600 sur l’île. Dans ces écoles, deux classes se partagent en rotation une seule salle en alternant matinée et après-midi. L’enseignement par demi-journée y est donc obligatoire. On sait que le responsable de cette déficience en constructions scolaires a un nom, le SMIAM, Syndicat Mixte d’Investissement et d’Aménagement de Mayotte.
Une classe en or
Financé chaque année à hauteur de 10 millions d’euros par l’Etat, le syndicat n’a sorti qu’une seule classe en 2013 dans la commune de Tsingoni. Là encore, la gravité de la situation n’a été prise au sérieux que l’année dernière, alors que des contrôles de la bonne affectation des sommes auraient été nécessaires. S’il s’avérait que des détournements aient eu lieu, ils devraient d’ailleurs relever du pénal.
Des débats parfois vifs, se font actuellement entre les candidats aux municipales autour de la structure idéale : créer un Groupement d’Intérêt Public avec une présence de l’Etat, ou remanier le Syndicat pour en faire un SMIAM bis, mais avec quelle gouvernance ? Le cadre de l’intercommunalité était précurseur puisque le gouvernement cherche à le généraliser en France. Mais il repose sur des élus qui doivent avoir la maturité nécessaire pour endosser la responsabilité de la fonction.
L’enjeu est la formation réussie des enfants, quand on sait que les élèves qui ont été pré-scolarisés sur toute la maternelle réussissent mieux à l’entrée au CP (75% au lieu de 50% pour ceux qui ne l’ont été qu’un an). Cet enjeu est entre les mains des futurs maires. Les programmations sont au point mort pour 2014, ils devront réagir très vite.
Anne Perzo-Lafond
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