CARNET DE JUSTICE. Nous sommes tous impliqués dans la vie de notre société. La démonstration en a été faite par une femme de Mamoudzou qui a pris l’initiative, au mois de mai 2013, d’amener un petit garçon âgé de cinq ans à l’hôpital. L’enfant montrait des blessures aux yeux, des lésions au nez et son dos était recouvert de marques de coups, des «traces affreuses» dira la femme.
Le petit garçon répond simplement aux questions qu’on lui pose alors. Il explique qu’il a été frappé par son père, plusieurs fois, avec une ceinture «grande et rouge».
Cette dénonciation de faits de violence a enclenché une procédure judiciaire qui a amené le père à la barre du tribunal ce mercredi matin pour des faits qu’il reconnait lui aussi très facilement :
-Oui, j’ai commis des actes de violence, reconnaît l’homme
-Lesquels, demande le Président
-Je l’ai frappé
-Comment ?
-Avec ma ceinture, mais ce n’était pas pour le tuer
-Heureusement qu’il n’est pas mort, sinon vous seriez à Majicavo et le procès se déroulerait devant les assises, réagit le Président.
Les motifs de ces corrections appuyées semblent futiles au regard des blessures. La première fois, le garçonnet avait fait pipi dans un pot de yaourt à l’école. Quant au jour où le père a sorti sa ceinture, c’était pour punir le petit après qu’il ait volé une pièce de deux euros sur la table.
La lutte pour des papiers d’identité
«Je sens qu’il y a un coup monté contre moi par les gens qui ont amené mon enfant à l’hôpital», dit soudainement l’homme à la barre.
On apprend alors que décidément, la quête de papiers d’identité prend parfois des tournures invraisemblables : des méthodes qui consistent pour des familles mahoraises à reconnaitre un enfant sans papiers en échange de contreparties serait donc monnaie courante. L’homme, un Anjouanais sans papier, craint visiblement de ne plus être reconnu en tant que père de l’enfant.
Le Président recentre le débat : «et son fils qui a été frappé par la ceinture, il fit partie du complot ?»
Les témoignages sur une ambiance violente et de crainte autour de l’homme se sont accumulés dans le dossier. Pour autant, les choses ont évolué depuis les faits.
Dans un premier temps, le garçon a été pris en charge par l’ASE (aide sociale à l’enfance) et placé dans une famille avant que sa mère, qui avait été expulsée, ne revienne à Mayotte. Le petit vit aujourd’hui chez elle, et il lui arrive de revoir son père dont la maison n’est pas très loin.
Réconciliation et prise de conscience
Compte tenu de la situation mais aussi «dans l’intérêt de la famille et de la réconciliation», Maître Chauvin qui représente l’ASE ne demande qu’un euro de dommages et intérêts tout en reconnaissant la disproportion de la punition.
La procureure est beaucoup plus sévère. «Oui, on peut corriger son enfant quand il fait quelque chose de mal dans une mesure qui doit être adaptée. Mais le dialogue, c’est pas mal aussi». Et puis elle s’interroge : «s’il frappe avec une ceinture son enfant de 5 ans, que se passera-t-il quand il sera adolescent ?» Elle requiert un «avertissement solennel», une peine de prison d’un an avec du sursis, une peine dissuasive pour qu’il n’ait pas envie de recommencer.
Maître Simon met en avant des notions suffisamment imprécise pour être adaptée aux époques : «être un bon père de famille» ou encore la «menue correction», des conceptions de comportements communément admis qui peuvent évoluer dans le temps mais aussi dans l’espace explique l’avocat. «Il faut expliquer la loi française à Monsieur» car pour lui, des coups de ceinture, c’était une punition naturelle. Il demande un simple rappel à la loi.
L’homme a été condamné à 3 mois de prison avec sursis et un euro de dommages et intérêts symbolique.
RR
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