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Procès de la main baladeuse chez Jumbo: amende pour agression sexuelle

CARNET DE JUSTICE DU JDM. Samedi 25 janvier 2014, l’hypermarché Jumbo Score connait un mouvement de grève hors norme. Une partie du personnel a débrayé après une main baladeuse dont est accusé un salarié à l’encontre d’une de ses collègues. Mais, à la surprise générale, le mouvement ne vise pas à soutenir la victime présumée mais l’auteur de faits. Cinq mois après, jour pour jour, l’affaire était jugée à l’audience correctionnelle ce mercredi matin.

L'hypermarché Jumbo fermé suite au mouvement de grève le vendredi 31 janvier
L’hypermarché Jumbo fermé suite au mouvement de grève le vendredi 31 janvier

A l’origine de cette histoire, un événement qui «n’a duré qu’une fraction de seconde», note le prévenu. La vendredi 24 janvier 2014, il croise la jeune femme dans un escalier. Elle a été embauchée quelques mois auparavant et entre eux les relations sont bonnes. Tout le monde est en retard et se dépêche pour rejoindre son poste de travail. Elle monte les marches, lui les descend, il commet le geste avec les conséquences que l’on connaît. «Je n’ai pas pu m’en empêcher», dit-il aux enquêteurs.

Mais quel est donc ce geste ? Pour la jeune femme, c’est une main aux fesses. Pour lui, sa «main a frôlé le bas de sa jupe». Le président Philippe Ballu n’en obtiendra pas plus, les deux protagonistes vont maintenir leur version à la barre : «Comme la jupe est courte, c’est une question de centimètres mais ce sont des centimètres qui comptent beaucoup», fait valoir le juge.

Après le geste, la jeune femme va mettre sa tenue de travail puis retrouve l’homme. «Il m’a humiliée, explique-t-elle à la barre, et quand je suis allée voir le chef, il m’a humiliée une seconde fois.» Selon un témoin, l’homme lui aurait alors dit : «Tu n’as pas à t’habiller comme ça ici, tu n’as qu’à t’habiller comme ça chez toi, pas dans le magasin.»
Elle, affirme qu’elle n’attendait que des excuses : «Je ne serais pas allée voir la police pour porter plainte, je ne serais pas allée voir un avocat, tout serait terminé s’il avait présenté ses excuses.»

L’homme a bien rédigé une lettre mais les circonstances font douter de sa sincérité. Entre temps l’affaire a pris de l’ampleur, il est alors menacé de licenciement immédiat, ce qui a provoqué la grève.

Choisir ses vêtements, une liberté individuelle

Les plaidoiries vont être enflammées. Maître Kondé est le premier à prendre la parole pour la victime de la main baladeuse. Pour lui, l’intérêt de sa cliente rejoint celui de toutes les femmes de Mayotte. Il rappelle que «la femme mahoraise est respectée», «tête haute, épaules droites, elle revendique sa liberté» mais la pression sociale n’est jamais loin.

«Je vais vous dire ce qui se passe dans la tête du prévenu. La scène se déroule un vendredi et ce n’est pas anodin», plaide l’avocat. Ce jour-là, certaines femmes font le choix de porter un salouva pour montrer «une appartenance culturelle distincte», mais pas toutes. «Il ne supporte pas que (la victime) arrive avec une robe turquoise, la tenue réglementaire du vendredi pour lui, c’est le salouva. Ça veut dire, tu n’as pas le choix dans ta façon de t’habiller.»

Salle d'audience du TGI de Mamoudzou«Beaucoup de jeunes femmes à Mayotte choisissent de s’habiller comme à New York, Paris ou ailleurs. C’est une liberté individuelle qui ne porte pas atteinte aux valeurs.» Et Me Kondé va plus loin en demandant au tribunal de «couper l’herbe sous le pied des machos» : «ce genre d’idéologie, on sait ou ça commence mais après ça ne s’arrête plus.»

Des différences qui peuvent exclure

Au-delà de sa tenue, il est aussi question des origines comoriennes de la jeune femme: «A Mayotte, on vous dit ‘vous venez de Grande Comore ou d’Anjouan’, ‘vous c’est l’Africain’, ‘vous c’est le Mzungu’. Quand ça permet de mettre en avant nos différences, nos richesses, c’est une bonne chose. Mais quand ça peut exclure, ce n’est pas bien.» Me Kondé affirme que sa cliente est blessée et seule.
Il demande de «faire application de la loi pénale de façon plus sévère que d’habitude» en condamnant l’homme à 2.500 euros d’amende.

Dans cette histoire où «on a basculé du fait divers au fait social», le procureur Joël Garrigue rappelle qu’une «main aux fesses, ça s’appelle une agression.» Il demande 2.000 euros d’amende dont 1.500 euros avec sursis.

Une plaidoirie enflammée

«Elle veut des excuses, mais elle les a eues !» s’emporte Me Fatima Ousseni. L’avocate du prévenu dénonce une enquête réalisée «en trois heures», dans laquelle les témoins n’ont pas tous été entendus pour établir, de façon certaine, la réalité du geste. Alors «tout le monde se place dans la tête» de son client: «On lui attribue je ne sais quelle dérive alors que ce n’est qu’un simple salarié d’une grande surface.» Quant aux origines comoriennes qu’on pourrait reprocher à la victime, «ça tombe mal», indique l’avocate. Le prévenu est lui aussi né à Moroni. Pour elle, le prévenu est incontestablement «un honnête homme, respectable», une personnalité calme qui travaille depuis 11 ans dans le magasin.

Pas assez d’éléments matériels, pas de «geste avec une connotation sexuelle claire», pas d’éléments intentionnels, Me Ousseni réclame la relaxe.
Les derniers mots du prévenu vont évidemment dans le même sens: «poser mes mains sur ses fesses, c’est quelque chose que je n’ai pas fait.»

Le tribunal a finalement condamné l’homme pour agression sexuelle. Il devra s’acquitter d’une amende de 750 euros à laquelle s’ajoute 1.000 euros de dommages et intérêts pour le préjudice moral de la victime et 500 euros de frais de justice.
RR
Le Journal de Mayotte

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