Des peines de prison ferme avaient été ordonnées par le tribunal correctionnel de Mamoudzou. Les raisons sont connues, semblables aux arguments donnés en audience.
La sentence avait été exemplaire à plusieurs titres. C’était la première fois qu’une profanation de mosquée était jugée en France selon les dires du procureur, et elle l’était sur une île française musulmane à 90%. Ensuite, les faits avaient été requalifiés de « provocation à la discrimination, à la haine, en raison de l’appartenance à une religion », à « violence volontaires ».
Mais surtout, en condamnant la femme d’un gendarme maritime et l’organisatrice du forfait à trois mois de prison ferme, les juges ont voulu marquer le coup contre un acte « derrière lequel se cachent des arrières pensées », comme ils l’avaient argumenté à l’audience, et mettre un terme à toute tentative de suspicion d’une justice trop souvent accusée de coloniale.
Les trois prévenus, puisque le mari de la première, conducteur de la voiture vers la mosquée, avait été condamné à neuf mois avec sursis, avaient fait appel, « nous ne le déciderons qu’après avoir consulté la motivation des juges », nous avait indiqué Me Pinelli, un des deux avocats de la défense.
Nos confrères du JIR de La Réunion viennent justement de publier le document dans lequel les juges argumentent.
« Dans leur décision, les juges observent que « le délit de violence peut être constitué en dehors de tout contact matériel, par tout acte ou comportement de nature à causer une atteinte à l’intégrité physique ou psychique d’une personne caractérisée par un choc émotif ».
« Mise en péril de l’équilibre social de l’île »
Les juges reprennent les déclarations de plusieurs fidèles présents à la mosquée qui « témoignent de l’impact de l’acte commis par les mis en cause ». « Il est fait état d’un grand émoi, d’un grand choc dans la population mahoraise. Il est d’ailleurs avéré qu’une importante manifestation a été organisée dans les jours suivants à Mayotte démontrant l’indignation provoquée par l’introduction d’une tête de cochon dans la mosquée ».
Les juges estiment aussi que les mis en cause « connaissaient parfaitement le côté éminemment provocateur et choquant pour les musulmans du dépôt d’un morceau de porc dans un lieu de culte. Ce geste ne pouvait être vécu que comme une souillure extrême et une insulte à leur foi ».
Et de considérer que « la transgression commise est d’une importance telle qu’elle est assimilable au regard du choc provoqué, à un acte de violence ». Enfin, estiment les magistrats, les trois prévenus ont par leur action « mis en péril l’équilibre social de l’île ». « Ils ne pouvaient ignorer la réalité de ce contexte étant les uns et les autres résidents à Mayotte depuis de deux nombreux mois ».
Les deux compagnes de militaires sont également condamnées à six mois avec sursis comprenant l’obligation de travailler et indemniser l’association de la mosquée de Labattoir dont le préjudice a été estimé à 7000 euros. Le militaire de la gendarmerie maritime lui aussi devra indemniser la partie civile. Il a vu sa demande de non inscription de sa peine au casier judiciaire rejetée. Ce qui pourrait constituer un obstacle pour la poursuite de sa carrière en cas de confirmation en appel ».
A.P-L. et Jérôme Talpin
JIR
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