La ministre de la justice a visité un chantier d’insertion qui offre une perspective à des mineurs délinquants. Pour Christiane Taubira, c’est un exemple des réponses «diversifiées» à apporter à la dérive de la jeunesse.
Ils auraient préféré accueillir la ministre en travaillant, les mains dans le bois et la colle. Mais les mineurs pris en charge à Dzaoudzi par la PJJ, la Protection judiciaire de la jeunesse, se sont contenté de commenter l’exposition qui retrace leur travail et surtout de montrer leur fameux bateau en kit dont le chantier avance depuis 2 ans.
Ils ont entre 16 et 18 ans et ne sont que cinq à être pleinement intégrés dans l’UEAJ, l’unité éducative d’activité de jour, mais il faut y ajouter ceux qui n’en font plus partie. Ils sont devenus majeurs et continuent de venir pour suivre l’avancée du projet. Pour ceux-là, des perspectives de vie se dessinent, un retour à l’école ou des projets professionnels, une situation très éloignée de leur quotidien au moment de leur condamnation par un juge.
«C’est une démarche pluri-technologique, explique Jean-Christophe Claverie, professeur technique de l’UEAJ. On fait des choses très différentes avec eux, de la plomberie, du BTP, de la menuiserie. On apprend uniquement ce dont on a besoin et on l’utilise immédiatement. Et ça marche vraiment. Bien sûr on a des défections, mais pour tous ceux qui restent, la vie a changé.»
Un modèle de ce que l’on peut faire
«Je viens sur un chantier, un endroit où des jeunes réalisent quelque chose en commun où ils apprennent quelque chose de concret, un début de métier, souligne la ministre. C’est la démonstration par l’action de ce que fait la PJJ, un modèle de ce que l’on peut faire avec la jeunesse pour la remettre sur les rails.»
Et quand on fait remarquer que l’initiative, de grande qualité, ne concerne que peu de jeunes, Christiane Taubira objecte que «la PJJ prend en charge 500 jeunes. C’est une action significative». De fait, en plus du chantier de Petite Terre, la Protection judiciaire de la jeunesse mène d’autres actions, à Kawéni avec de la rescolarisation, à Cavani avec de la cuisine et de l’horticulture, auxquelles s’ajoutent le travail des UEMO, les unités éducatives en milieu ouvert, ou encore les structures d’hébergement.
43 éducateurs à Mayotte
«Il faut travailler sur le parcours et la diversification des réponses», indiquait la ministre. «Oui, ça peut être des randonnées, de la cuisine ou construire un bateau, et en France aussi», faisait-elle remarquer, en référence aux expériences qu’on lui a présentées.
La Protection judiciaire est sur le point d’atteindre un palier à Mayotte. Catherine Sultan et Hélène Nicolas, les directrices nationale et locale de la PJJ signalaient «qu’il y a 20 ans, on ne comptait qu’un seul éducateur à Mayotte. Il y a 2 ans, ils étaient 27 et ils sont 43 aujourd’hui et forment des équipes pluridisciplinaires avec la volonté d’apporter des réponses différentes en fonction des cursus.»
Ces éducateurs seront probablement 50 l’an prochain, un chiffre qui ne devrait pas aller au-delà : «Pour une île, c’est suffisant», indiquait Hélène Nicolas. «Ce qui faut rechercher maintenant, c’est développer avec le conseil général des politiques pour l’amont (la prévention) et l’aval (la prévention de la récidive). Il serait aussi très important de travailler sur l’insertion des jeunes majeurs, avec, par exemple, plus de places dans les lycées professionnels.»
Démultiplier les capacités
«Les choses doivent se construire, concluait Christiane Taubira. La PJJ porte sa part. Les juges décident, les contrôles sont effectués, les éducateurs de la PJJ travaillent mais il faut développer les partenariats, avec les collectivités, les associations. C’est comme ça qu’on démultiplie les capacités de faire.»
Pour les jeunes pris en charge en Petite Terre, la perspective ne se limitera pas à la construction de leur bateau. Leur prof est bien décidé à les «entraîner à la régate» et les faire naviguer, sûrement pour aller définitivement au-delà de la galère.
RR
Le Journal de Mayotte
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