Depuis que Mayotte est devenue Région européenne (RUP), et que l’on sait les exigeants mécanismes qui régissent la consommation des fonds structurels européens, les inquiétudes sont grandes sur l’utilisation des 347 millions d’euros qui ont été promis à Mayotte pour la période 2014-2020.
Des interrogations portent en effet sur la capacité des acteurs mahorais à comprendre et gérer de manière rigoureuse quand on sait que les sommes ne sont débloquées qu’après que le projet soit financé. C’était un des thèmes de discussion de l’atelier de construction du cadre institutionnel autour de Mayotte 2025.
Or, on a déjà une préfiguration de ce que l’on peut envisager en consommation de crédits. Elle nous est donnée par les chiffres fournis par l’Etat en matière de taux de consommation des crédits d’investissements. Pour les communes, ils l’étaient à hauteur de 43% en 2011, pour retomber à 35% (proche du chiffre de 2010) en 2013 et surtout, un catastrophique 21% au 30 septembre 2014…
Un Conseil général bon élève
La consommation est de 12% pour les syndicats intercommunaux, dont 9% pour le Syndicat Intercommunal des Eaux et Assainissement de Mayotte (Sieam), dont on sait qu’il est le principal destinataire, et consommateur potentiel de ces fonds. Sur cet acteur particulier, il faut signaler que le désistement du Conseil général au Contrat de projet n’a pas aidé.
Un Conseil général qui est plutôt bon élève de son côté, puisque son taux de consommation des fonds est de 81% en 2013, contre 53% en 2010. Mais là aussi il faut préciser que le Plan de Relance avait été étroitement surveillé par l’Etat, et n’est pas soumis à des avances d’investissement. Également, le 10ème Fed a été attribué en appui budgétaire total, ses prés de 23 millions étant directement versés au budget du département.
Le recours à l’endettement comme seul espoir…
Une éclaircie néanmoins dans le ciel des communes : avec la fiscalité locale et la dotation garantie de l’Etat qui l’accompagne, elles auront davantage de recettes d’une part, et d’autre part, elles ne sont pas endettées. Elles peuvent donc tout à fait avoir recours aux banques mais ont besoin pour cela de comptes fiables et de stratégies crédibles. Or, selon un Indice national notant la comptabilité locale, Mayotte obtient un 11 sur 20 quand la métropole affiche une moyenne de 17.
La fautive : la compétence insuffisante des élus locaux. « Mais l’Etat organise actuellement des formations à la consommation des fonds européens en invitant un intervenant de l’ENA, et aucun élu ni cadre ne s’est déplacé. Un maire est arrivé une heure après le début de la formation et est reparti une heure après ! », se désole un acteur mahorais, présent dans l’atelier, qui déplore que les élus en charge du territoire ne se mobilisent pas.
C’est le même refrain du côté du Centre National de la Fonction Publique Territorial (CNFPT) où les chaises restent vides alors qu’il est presque déjà trop tard pour se former. La seule mobilisation réelle a été celle d’une revendication contre la nomination d’un directeur « qui a eu le malheur de travailler en Union des Comores », raille toujours le même cadre… certains ont le « inch allah » bien sélectif…
Il prévient : « si l’argent repart à l’Europe, il ne faudra pas dire ‘c’est parce qu’on nous aime pas’ ! »…
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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