Le spécialiste de l’enrobé et de l’exploitation de carrière, Théophane Narayanin, se lance dans l’agriculture pour, in fine, une synergie des ses activités. Certains secteurs monopolistiques seront touchés.
La société Hold Invest de Théophane Narayanin va-t-elle réussir à Mayotte là où les échecs étaient répétés ? En annonçant avec « Volailles soleil Mayotte » le lancement d’une filière avicole, de l’importation d’œufs à l’abatage et la distribution, l’homme d’affaire réunionnais se positionne dans le timing d’arrivée des fonds européens.
Alors que le nombre de projets fiables se comptent sur les doigts d’une main à Mayotte, l’arrivée de la société qui tire son chiffre d’affaire de plus d’un million d’euros de l’extraction de matière première pour le BTP est appréciée, « c’est l’Etat qui me sollicite », savoure le surnommé Guito, lui qui doit être expulsé par le même Etat de la carrière de Kangani, selon un jugement datant de l’année dernière, pour un contentieux avec le propriétaire du terrain.
L’abattoir est une arlésienne au parfum nauséabond à Mayotte : « les bénéficiaires des nombreuses subventions les ont transformées en boite de nuit ou en habitations », glisse-t-il.
Il ne le cache pas, ce projet de filière avicole va donner du travail à son entreprise IBS, « pour 5 à 6 millions d’euros de travaux périphériques en routes et retenues collinaires », et permettra à son projet d’hôtel cinq étoiles Hilton Resort sur Bambo est de bénéficier d’un approvisionnement en produits frais, « obligatoire à hauteur de 60% dans le cahier des charges de ce standing », dont des fruits et des légumes.
Concurrencer la volaille brésilienne
Il a donc fait ses calculs en prenant également en compte la perte des poussins d’un jour qui arrive actuellement à Mayotte, « en raison de l’irrégularité de la compagnie Air Austral », et la production locale en poulet, « à peine 1% de la consommation »Il décide donc travailler les agriculteurs locaux, « 4 producteurs et propriétaires de leur terre, à qui nous vendons 2 poulaillers de 400 m2 et une serre », complète son adjoint, David Nagard. Ces derniers bénéficieront de subventions à hauteur de 80% de leur investissement.
Mais il faut parvenir à concurrencer des mabawas (ailes de poulet) très prisées des mahorais, qui arrivent du Brésil à 2 euros le kilo, quand le prix de revient en production locale sera de 7 à 8 euros, « les fonds européens sont indispensables ». Et le changement des modes alimentaires aussi : « il faut communiquer sur la nocivité du mabawa qui apporte cholestérol et diabète ».
Le cheptel sera intégralement racheté aux agriculteurs lorsque les poules auront atteint 7 mois, une espèce tropicale, pour être abattue et consommées en frais, « ce sera mieux que les ailes brésilienne actuelles qui arrivent deux après avoir été tuées », en plat cuisinés ou en congelé.
Une distribution de proximité
Les points de vente privilégies sont les doukas, relookés pour l’occasion. Quand à la grande distribution, elle n’est pas un partenaire enviée du Théophane Narayanin, « nous ne tomberons pas sous le joug des majors qui nous dicteraient leurs volontés. Ça tue le tissu économique ! ».
S’il vise une tonne en production, « soit 10% du marché », la première année, il pense atteindre 5 000 tonnes dans 5 à 8 ans. C’est Sylvie Magnien, assistante de direction qui prendra en main ce projet, « avec une production de dindes et de foies gras halal », souligne-t-elle.
Un poulailler et une serre seront utilisés en bâtiment test, notamment sur la nourriture pour animaux, la provende, marché monopolistique de la Somadev à Mayotte « où il y a toujours eu des soucis. Nous comparerons l’importée à la nôtre et choisirons la meilleure ».
Potentiel de 300 emplois
L’investissement total de 17,5 millions d’euros, mobilisera pour moitié des Fonds FEADER (européen agricole). L’abattoir et couvoir ont en effet déjà été achetés en défiscalisation par l’entreprise, qu’elle va « s’auto-louer ». Ils sont situés en bordure de Vallée III à Longoni. Le projet devrait être lancé en octobre 2015.
Il a fallu rallonger la facture, « pour construire un incinérateur, une obligation pour l’Etat pour éliminer nos déchets carnés, mais aussi tout cadavre d’animal ».
Un projet qui créera 150 emplois, « 300 au bout de 3 ans ». Des emplois non spécialisés qui devraient permettre de recruter de la main d’œuvre locale à 80 %, « avec une formation ». Un partenariat devrait se créer avec le lycée agricole de Coconi.
Et Guito ne s’arrêtera pas là, « nous allons investir le marché du poisson en partenariat avec Espace Fraicheur de La Réunion, mais aussi celui du pain et de l’eau ». En s’attaquant aux prés carrés de coopératives et circuits existants, il sait qu’il ne se fera pas que des amis, « mais je ne suis pas là pour ça ! ».
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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