La Chambre de Commerce et d’Industrie innovait encore lors de ses matinales en proposant de revenir sur la société d’hyper consommation qui est devenue la nôtre et pour proposer un autre modèle, celui de l’économie circulaire.
Il suffit de regarder pas plus tard qu’aux infos de ce vendredi, les hordes de gens se ruer dans les magasins qui avaient ouvert leurs portes pour les soldes : des scènes de violence, de bousculades, les uns marchant sur la tête des autres, se tirant par les cheveux pour passer devant, se piétinant, pour se dire que la barbarie se cache parmi nous, et que décidément, notre société de consommation atteint des limites insupportables. La cerise sur le gâteau : le sourire du présentateur de LCI après le reportage…
Notre économie a basculé il y a 200 ans avec la révolution industrielle et la découverte du pétrole alors que le modèle économique mondial était agraire et artisanal, qu’ont conservé encore beaucoup de pays.
Le pétrole et le gaz bientôt taris
Un système qui a apporté confort et qualité de vie dans les années 70, mais qui s’est emballé : « nous sommes dans une société de consommation, d’hyper consommation même, sur un modèle linéaire qui fonctionne sur l’extraction des ressources, leur utilisation, la consommation excessive qui génère de plus en plus de déchets. Nous ne sommes plus dans une évolution mue par de nouveaux progrès, mais par les besoins des entreprises qui ont inventé une obsolescence programmée »…
Le constat dressé par Grégory Giavarina, délégué général de l’Institut de l’Economie circulaire, est celui que médiatisent de plus en plus d’ouvrages, Pierre Rabhi en est un exemple, qui proposent de fuir ce modèle et de revenir aux valeurs essentielles.
Car la consommation des ressources mondiales a doublé en 40 ans, alors que la population n’a pas suivi ce rythme. A l’enjeu démographique qui prévoit 10 milliards d’individus sur notre planète là où nous ne sommes actuellement « que » 7 milliards, s’oppose la quantité de ressources disponibles : « le plomb qui sert à la fabrication automobile sera tari vers 2030, le phosphore, composant des engrais agricole en 2025, et le pétrole et le gaz respectivement en 2050 et 2072 ».
« On utilise sa perceuse 7 minutes par an »
Ce ne sont bien sûr que des estimations, et il est possible de trouver d’ici là des ressources de substitution, mais la question d’une croissance non réfléchie, basée sur le gaspillage est posée et la réponse donnée par André Malraux, que cite Grégory Giavarina : « il existe une réponse de civilisation à tous les grands défis ».
Comme lors de la révolution industrielle, il propose un nouveau modèle, « nous sommes dans une ère de mutation », en repensant notre façon de consommer, de jeter, et donc en amont, de produire. « Lorsqu’un vélo est abimé, il faut le réparer. Nous avons perdu cette habitude, les petits mécaniciens ont tous fermé en métropole ». Pas à Mayotte où il faut essayer de conserver les cordonniers et les réparateurs de proximité.
Et quand la réparation n’est plus possible, « certaines pièces doivent être récupérées, ou recyclées ou enfin, valorisée ». Là où la valorisation était prioritaire, elle devient une action de bout de chaîne.
Le concept aboutit à un partage des objets, « on utilise sa perceuse 7 à 12 minutes par an », des services comme avec le covoiturage, et à une révision de la méthode de production, « les entreprises devront se mettre à l’éco-conception ». C’est évidemment de ce côté que le bât va blesser car la logique de rentabilité reste la base de fonctionnement de l’entreprise. Des biais peuvent être trouvés : « la société Renault a monté une filière de récupération des pièces d’occasion qu’elle vend moins cher », mais pour l’instant aucune fiscalité incitative n’est en place.
EDM s’y met
Un concept récent puisque la ministre de l’Ecologie Ségolène Royale a présidé les 2ème rencontres parlementaires pour l’économie circulaire le 12 novembre dernier.
Pour le mettre en place, l’Institut de Grégory Giavarina s’appuie sur les régions, et compte bien profiter des fonds européens, « 70% d’entre eux correspondent à notre modèle ». Mayotte peut y prétendre, et l’a d’ailleurs déjà fait par le biais de certains projets. Celui présenté par Gregory Stoops, Chef de projet maitrise et demande en énergie chez Electricité de Mayotte (EDM), entre dans ce cadre.
Il s’agit de récupérer de l’eau chaude à 95° du circuit de refroidissement de la Centrale électrique de Longoni pour l’abaisser à 6° par un procédé thermodynamique et ainsi approvisionner les climatiseurs des entreprises proches. Si l’idée est bonne, EDM la veut rentable, et le trop faible nombre d’entreprises de la Vallée III à Longoni risque de faire capoter le projet, « seuls notre centrale, l’entreprise Mayco et l’entrepôt de stockage du CHM pourraient être intéresser. Les pouvoirs publics devraient inciter les entreprises à s’y installer ».
Pourtant, seul 30% du gasoil utilisé par la Centrale est utilisé à la production effective d’électricité, « le reste part en fumée ou dans le système de refroidissement des moteurs ». Une déperdition qu’il faut valoriser en tirant le maximum de rentabilité.
Si c’est un changement fondamental dans la manière de consommer et donc de produire qui est proposé, le modèle est encore un peu flou, et il sera utile de savoir ce qui relève ou pas de ce modèle d’économie circulaire.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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