Le préambule à la mise en place des chantiers de l’assainissement est quasiment écrit : il est soumis à discussion pendant un an, et le nouveau Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE) n’aura cette fois pas droit à l’échec. Les écueils sont pourtant encore nombreux.
Ce jeudi matin, le Comité de Bassin avait réuni ses membres au Syndicat Intercommunal des Eaux et d’Assainissement de Mayotte, le Sieam, pour travailler sur une exigence européenne : une bonne qualité des eaux. Le travail est immense, et les finances bien en deçà des enjeux, « mais il faut déjà commencer par aboutir sur les points cruciaux », commente Ibrahim Boinahery, le président du Comité de Bassin, assisté au secrétariat de Patrice Poncet, responsable du Service Environnement à la DEAL.
Les représentants des collectivités territoriales, mais aussi des usagers ou de l’Etat se concertaient autour du projet du Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE), en cinq points : la Réduction de la pollution des milieux aquatiques, la Protection et la sécurisation de la ressource pour l’alimentation en eau de la population, la Conservation de la biodiversité, le Développement de la gouvernance dans le domaine de l’au et la Gestion des risques naturels.
Les mesures qui en découlent font elles aussi l’objet d’un Plan, chiffré à 900 millions d’euros dont il va falloir trouver les financements, essentiellement autour de l’assainissement et du raccordement au réseau d’eau potable.
Inciter la population à se raccorder
Car l’île a pris du retard, beaucoup de retard en matière d’assainissement. Et les excuses du territoire en voie de développement ne tiennent pas toutes.
Les orientations qui auraient du être prises étaient pourtant inscrites noir sur blanc dans le précédent SDAGE qui courrait sur la période 2009-2015, mais n’ont pas ou peu été tenues. « L’échec vient en premier lieu des Schémas directeurs d’eau potable et d’assainissement qui n’ont jamais été approuvé par le Sieam, mais aussi et surtout du désengagement du Conseil général qui n’a pas payé sa quotte part du Contrat de projet Etat-région qui finançait les travaux ».
Des sommes devaient être débloquées pour compenser auprès de la population le coût du raccordement à la station d’épuration. On ne sait pas si elles l’ont été, et à qui elles ont bénéficié.
Résultat : des chantiers non bouclés et le découragement d’acteurs dont certains ont quitté le territoire. Face à cet échec, l’Union européenne a généreusement accordé une dérogation repoussant l’accès au bon état des eaux en 2027.
Le Sieam et le Sidevam attendus
Quelle est la garantie d’aboutir cette fois ? Car les besoins sont énormes : sur les 900 millions d’euros évalués pour l‘ensemble des projets, 780 millions sont nécessaires pour l’assainissement, quand l’Europe n’a doté le secteur que de 146 millions d’euros. « Prouvons d’abord que nous pouvons les consommer, nous serons d’autant plus fort pour demander une rallonge », invite Ibrahim Boinahery.
Si tous les maitres d’ouvrage des différentes actions à mener ne sont pas encore identifiés, on sait que du côté du financement, c’est le Sieam pour l’eau et l’assainissent, le SIDEVAM pour les déchets, et les communes pour les eaux pluviales qui devront boucler leur budget. Si les compétences du Sieam étaient jusqu’à présent reconnues, les acteurs qui travaillent en synergie avec le syndicat sont en attente de l’impulsion que doit donner la nouvelle présidence.
Peu de cadre…
Le contrôle sur ces décideurs n’est pas prévu, et seule la rigueur de gestion des Fonds européens et l’accompagnement, tous les deux ans, du Comité de Bassin donne un semblant de cadre. Ce dernier attend une réponse sur une compétence qui lui donnerait plus de poids : « si nous récupérons les prérogatives d’un Office de l’eau, nous pourrons orienter les financements et les contrôler ».
Quant aux financements, les communes devront mobiliser leurs fonds, et l’Office national de l’eau (ONEMA) participera, « malgré l’absence de redevances qu’on devrait lui reverser et qui n’ont pas été mises en place à Mayotte ».
Ce projet de SDAGE doit être maintenant examiné par les collectivités, par les Chambres consulaires et sera mis pendant 6 mois à la disposition de la population pour avis.
Une population qui ne se sent pas vraiment concernée, ce qu’explique Ibrahim Boinahery : « en métropole, il peut y avoir débat, car ce n’est pas le défaut d’assainissement qui rend les eaux de mauvaises qualité. Ici, oui. Donc les habitants n’ont pas d’autres attentes que la généralisation de cet assainissement. »
Le SDAGE sera ensuite arrêté au 22 décembre 2015 par le préfet et deviendra incontournable pour les autres plans ou schémas, ainsi que pour les Plans Locaux d’urbanisme.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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