Que faire des mineurs délinquants ? La population qui n’en peut plus des intrusions et des vols à répétition les verrait bien emprisonnés à Majicavo. Mais les taux de récidive plaident pour d’autres solutions. Elles passent notamment par un Centre de placement éducatif, dont l’extension vient d’être inaugurée ce matin. Avec la présence remarquée du Conseil général…
En 2010, le Centre Dago Tama (désormais intégré dans le groupe SOS), entièrement financé par l’Etat accueillait quelques mineurs délinquants, les 7 places étaient rarement occupées. « En 2011, lors des évènements sociaux, ils se sont sentis des cadors avec les premiers caillassages, et depuis, Dago ne désemplit pas », témoigne un ancien responsable d’une unité de Tama qui officie maintenant à La Réunion.
L’unique Centre de placement des mineurs sature alors et, comme l’explique Christine Defoy, vice-présidente du tribunal pour enfants, il n’y avait que deux solutions : les laisser livrés à eux-mêmes alors qu’ils étaient en difficulté ou dangereux, ou les incarcérer ».
Les initiateurs de Dago Tama, dont le sénateur Thani Mohamed Soilihi qui le préside, et Philippe Duret, le directeur, demandent alors une habilitation pour une extension à 12, ce qu’ils viennent d’obtenir, avec 3 places de placement en urgence pour les enfants déférés au parquet, les actes de délinquance les plus graves.
C’est l’occasion pour déménager la structure qui s’installe à Tsoundzou II. L’inauguration rassemblait ce mercredi tous les acteurs de l’accompagnement des mineurs en difficulté, et prenait date deux jours avant les 70 ans de l’ordonnance de 1945 qui affirmait la prévalence du préventif sur le répressif.
Partenariat avec le Conseil général
« Ces jeunes ont besoin d’un cadre éducatif, pour reprendre confiance en eux-mêmes et dans les adultes », justifiait Thani Mohamed Soilihi, « alors que les faits divers sont de plus en plus nombreux, les jeunes de plus en plus jeunes, de plus en plus déstructurés, et la société de plus en plus démunie ». Et répondant aux attaques de Jacques-Martial Henry, accusant l’Etat de main mise sur le social, le sénateur accusait les élus de vouloir « masquer leur incurie ».
Comme en réponse à ses propos, l’inauguration révélait une surprise, celle de la présence, presqu’applaudie sans avoir même ouvert la bouche, du conseiller de Daniel Zaïdani, Alhamid Aboubacar. La présence des élus d’un Conseil général qui a pourtant la prérogative du social est en effet rare sur les actions de Tama, et la volonté annoncée « de trouver les bases d’un partenariat pour soutenir la structure » était pris comme un vœu, au début de cette nouvelle année qui est aussi électorale.
De la même manière, l’insistance de Sidy, adjoint au maire de Mamoudzou en charge de la politique de la ville, à rappeler que « l’éducation est vecteur de paix sociale » et que par conséquent Tama, déclaré indésirable à Dembéni, « est désiré ici », était saluée.
« Pas de prêt-à-purger la délinquance »
Les solutions pour ces mineurs passent aussi par les familles d’accueil qu’Hélène Nicolas, Directrice territoriale de la Protection judiciaire de la jeunesse, a fait passer de 3 à 20, mais sont aussi envisagées dans le cadre d’un partenariat avec La Réunion, comme le rappelait Christine Defoy, « en placement auprès de Centre Educatif renforcé et du Centre éducatif fermé ». Et sur 20 places, 6 sont occupées par des Mahorais de Mayotte, la plupart des autres par des Mahorais habitant La Réunion.
Le mot, ou les mots, de la fin reviendront au procureur Joël Garrigue, qui indiquait que la part des mineurs dans les cambriolages était encore élevée, quoiqu’en baisse, 57%, « et bien au dessus de la moyenne nationale ».
Totalement en phase avec la politique menée, le magistrat rappelait que la délinquance de masse ne pouvait se satisfaire de réponse de masse, « d’un prêt-à-penser, prêt-à-purger », et que la prison devait être un ultime recours, « qui, sans travail sur la réinsertion, sur un projet de vie, triple le risque de récidive ».
Il témoignait de mineurs de prés de 18 ans qui, « une fois dans nos locaux, ressemblent plus à des enfants qu’à de dangereux caïds »… Une manière sans le dire d’interpeller les parents sur leur responsabilité. « Car s’il n’est pas normal que ce soient les victimes qui déménagent, nous ne pouvons éloigner ces enfants d’une scolarité qui est parfois la seule garantie de réinsertion ».
1100 mineurs délinquants en 2014 et 30 places en famille d’accueil, autant en maison d’arrêt, 12 dans cet EPE… Encouragé par la présence du Conseil général, Joël Garrigue appelait à fouiller les solutions inscrites dans la fameuse ordonnance de 1945, « pour qu’un mineur en danger aujourd’hui ne soit pas demain un mineur dangereux ».
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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