Après un début d’audience consacrée à l’audition du gendarme mis en cause, le jeune Nassuir est venu à la barre raconter son histoire. L’expert en balistique dévoile les dangers du flashball.
On lui a proposé de parler en langue mahoraise mais c’est finalement en français que le jeune Nassuir va s’exprimer. C’est lui qui débute les auditions de l’après-midi dans le procès du tir de flashball dont il a été victime. Au fur et à mesure des questions du président Schmitt, on reconstitue le fil de sa journée du 7 octobre 2011 : une matinée passée à la campagne avec son père, puis un départ pour la plage de Longoni avec ses amis. Ils sont quatre à se baigner lorsqu’un véhicule de gendarmerie arrive. «Je me suis mis à courir parce que j’avais peur», explique Nassuir.
«Est-ce que tu essayais d’attraper une pierre ?» demande le président. «Non», répond le petit.
C’est pourtant ce que croit et affirme le gendarme. C’est cette pierre qui a justifié le tir de flashball.
Pour Nassuir, la liste des conséquences de ce 7 octobre est longue. On la retrouve dans les avis des experts psychiatres : difficulté d’alimentation et perte de poids, repli sur soi, troubles du sommeil, interdiction d’exposer son visage au soleil, refus de retourner à l’école où les enfants se moquent de lui. Alors qu’il était en CM1 en 2011, Nassuir est aujourd’hui en 6e. «Mon grand frère a des photos de moi, j’aime les regarder. Avant, j’étais beau. Maintenant, mes amis m’appellent hibou.»
Aucun suivi psychologique
L’expertise note que l’enfant ne bénéficie d’aucun suivi psychologique et que plus généralement, la famille est livrée à elle-même. Le père se souvient des promesses de prise en charge totale qui n’ont pas été respectées. Il ne comprend pas pourquoi le CHM ne vient pas s’occuper de son fils pour des soins quotidiens.
Les blessures infligées par le tir de flashball ont été détaillées, en visioconférence, par le médecin qui a pris en charge l’enfant à Saint-Pierre (La Réunion) : plaie hémorragique à l’œil droit, fracture du globe oculaire, plaies aux paupières qui laissent entrer l’air extérieur dans le crâne. Six mois après les faits, l’œil a été enlevé avec la mise en place d’un implant avant celui d’une prothèse définitive.
Les conclusions de l’expertise sont claires : «il est urgent de s’occuper de cet enfant et de sa famille sous peine de maintenir durablement cet état» de stress très sévère.
Utiliser ou non le flashball
D’une visioconférence à l’autre, le tribunal part à Tulle (Corrèze) pour écouter le major qui dirigeait l’équipe de gendarmerie. Avec lui, on précise les règles d’utilisation du flashball. On apprend qu’il est recommandé de ne pas tirer sur une femme enceinte, une personne handicapée ou un enfant. «Donc ce tir n’aurait pas dû avoir lieu ?» demande le président Schmitt.
Réponse du gendarme : «En métropole ce tir n’aurait pas eu lieu mais il faut prendre en compte les particularités de Mayotte.»
Me Liétard, l’avocat de la défense, fera préciser qu’il n’existe qu’une interdiction : tirer à moins de 7 mètres.
A quelle distance le tir a-t-il été effectué ? Selon les déclarations des uns et des autres, entre 9,4 mètres et 11 mètres. Mais l’expert en balistique explique qu’à cette distance, le «phénomène de dispersion» est de 40 centimètres. Autrement dit, lorsqu’on vise un point, la balle peut impacter un autre endroit 40 centimètres plus loin. Quand on vise la poitrine, on peut toucher le visage.
Problème : il s’agit d’une balle ronde de 44 millimètres de diamètre projetée à 100 mètres/seconde… de quoi s’interroger sur l’autorisation donnée aux forces de l’ordre pour utiliser un tel équipement.
Ce vendredi, le procès continue devant la cour d’assises avec la fin des auditions, le réquisitoire et les plaidoiries. Le verdict est attendu en fin d’après-midi.
RR
Le Journal de Mayotte
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