Profiter du grand marché paysan mensuel pour tenter de faire évoluer la filière agricole en interpellant Etat et conseil départemental, c’était l’objectif samedi du proviseur du lycée agricole. Ces deux partenaires ont en effet chacun des atouts dans leurs manches.
Le rendez-vous à ne pas manquer le premier samedi de chaque mois, c’est le marché paysan et artisanal de Coconi. C’était donc l’occasion rêvée pour inviter un public déjà sur place à des Journées portes ouvertes se sont dit les dirigeants du lycée agricole qui accueille ledit marché.
Une exposition réalisée par les Archives départementales sur la construction politique de notre territoire, « Mayotte française : un long chemin vers le droit commun (1841-2014) », des visites guidées à l’élevage de Valarano : poulaillers autonomes en eau et énergie, la traite des vaches, les lapins et canards, cocoteraie expérimentale, atelier agro-alimentaire où est confectionnée la grande majorité des jus et confitures de l’île, et son abattoir de volailles…
Ce ne sont pas seulement les mzungus (métropolitains), principale clientèle des commerçants qui étaient ciblés, mais les institutionnels, représentants de la préfecture, Seymour Morsy et Guy Fitzer étaient présents, de l’Éducation nationale, les proviseurs et principaux des lycées et collèges et les élus.
Prouver le côté sexy de l’agriculture
La prise de conscience doit en effet être générale : sur l’étendue des filières tout d’abord, CAP et bacs professionnels en productions agricoles, services à la personne et aux territoires, transformation agro-alimentaire et aménagement et travaux paysagers, « les établissements du second degré doivent en faire la promotion auprès de leurs élèves », explique Papa Ahmed Combo, proviseur adjoint du lycée agricole.
Car l’agriculture n’arrive pas à séduire les jeunes, « nous avons un effectif quasiment constant de 300 élèves chaque année », indique-t-il, et alors même que les autres établissements sont en surcapacité.
A la sortie, environ un tiers des élèves trouve un emploi, un autre tiers poursuit en BTS à l’extérieur, pour s’installer ensuite, quant aux autres, sans papiers, ils ne peuvent ni travailler, ni poursuivre des études.
La fraîchement élue conseillère départementale de Ouangani, Moinécha Soulaimana, a incité les jeunes à s’orienter vers l’agriculture, « pas par dépit, mais par envie. Ils doivent pouvoir en vivre ».
Pas de spécialisation pour garantir les revenus
Mais les difficultés sont nombreuses à Mayotte et commencent par le foncier peu disponible, et se poursuivent avec le désenclavement insuffisant des exploitations (pistes, électricité, eau) : « tout se fait trop lentement. J’ai la chance d’être à proximité d’une piste, mais toujours sans eau et électricité. Pendant ce temps, les récoltes se suivent, et nous ne rentabilisons pas l’activité », nous explique Siaka Daouirou, président de la COOPANAM, une Coopérative des producteurs d’ananas, et également à la tête d’un cheptel de 12 bovins et d’une exploitation de diverses plantes vivrières.
Il est à ce titre représentatif du type d’exploitant agricole mahorais : « une polyculture qui est une force de l’île puisqu’elle sécurise les revenus », rapporte Cécile Morelli, chargée de mission coopération régionale et communication au lycée agricole de Coconi.
L’électrification rurale étant une prérogative du conseil départemental (ex général), également propriétaire de la plupart des parcelles, le département sera associé à la démarche initiée par le lycée agricole : « nous allons nous focaliser sur les jeunes agriculteurs et les aider à obtenir les outils et un environnement favorables pour débuter leur exploitation ».
Élever le débat
Mais il faut également lever les barrières d’une transposition encore une fois trop rigoriste du droit français : notre île est classée dans sa totalité en zone littorale, y compris les communes du centre de l’île, compliquant l’attribution des permis de construire pour les habitations principales des agriculteurs à proximité des exploitations…
Pour poser ces problèmes, et faire intervenir les bons acteurs, une exploitation-témoin sera mise à disposition pour cerner l’alpha et l’oméga du parcours de l’exploitant, « de sa sortie d’études à la gestion, chaque jeune passera par cette exploitation test, une sorte de mise en condition », explique Cécile Morelli. Un projet encore, mais qui pourrait être porté par le Lycée. La BGE (Boutique de gestion) pourrait être associée pour ses compétences.
Cette professionnalisation devrait être accompagnée à moyen terme par un diplôme valorisé au lycée : un BTS doit y être proposé, « pas avant 3 ans » nous explique le proviseur Guy Sommer. Il faudra pour cela intégrer le coût de la rémunération des enseignants de BTS, « le lycée devant évoluer d’une année sur l’autre à moyens constants », nous glisse un intervenant…
C’est d’ailleurs une des revendications du syndicat des Jeunes agriculteurs de Mayotte qui appelle à une voie d’excellence pour tirer l’agriculture mahoraise vers le haut, et défendre leurs acteurs à Paris.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
Comments are closed.