Après le bilan, la réaction. Le préfet, le procureur de la République et les responsables des forces de sécurité à Mayotte ont également présenté vendredi les perspectives et les chantiers pour lutter contre la délinquance. L’objectif : tenter d’inverser en 2015 les tendances, en impliquant les mairies.
On le sait, Mayotte n’obtiendra probablement pas de moyens supplémentaires à court terme pour lutter contre l’insécurité, malgré une nouvelle augmentation globale de 7% des faits de délinquance constatés en 2014. (Voir les chiffres complets par ici).
La problématique est double : si on regarde les chiffres de l’ensemble du département, le niveau de l’insécurité à Mayotte est comparable à celui de départements ruraux comme la Meuse… Pas de quoi affoler Paris et mobiliser des moyens nouveaux.
Problème : lorsqu’on ne prend en compte que les données de la zone police, qui ne concernent donc que la commune de Mamoudzou, la délinquance atteint alors des taux comparables à ceux de région parisienne… et comme nous habitons, travaillons ou transitons quasiment tous par Mamoudzou, nous sommes tous concernés par la situation sécuritaire très dégradée de la ville-préfecture.
Pas d’hommes ni de femmes en plus mais Mayotte va bénéficier de nouveaux dispositifs, du développement et de la poursuite de processus existants.
LES NOUVEAUTÉS ATTENDUES EN 2015.
Un groupe spécialisé dans la lutte contre les cambriolages est en cours de constitution au sein de la section de recherches de la gendarmerie. Un plan lutte contre les vols liés aux véhicules est également en développement.
Dans l’espace public, une des nouveautés de l’année sera l’apparition de la vidéo protection à titre expérimental. Deux communes sont concernées dans un premier temps : Pamandzi et Dzaoudzi-Labattoir. Le projet qui entre dans le cadre du Conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance (CISPD) de Petite Terre, a été porté par le commandant de brigade de Pamandzi.
Des médiateurs devraient également faire leur apparition : la préfecture en prévoit 170 formés cette année.
Le préfet annonce également qu’une cartographie fine des lieux où une délinquance s’est installée est également en cours d’élaboration. Cela permet d’orienter des patrouilles sur les secteurs les plus sensibles, d’y mener des «opérations coups de poing» en réaction mais aussi de changer les choses en profondeur, mais à condition que d’autres acteurs viennent s’impliquer.
Ainsi, le Medef a réagi face à l’explosion des cambriolages des locaux commerciaux (+26% en 2014). Il a travaillé sur une sécurisation de zones d’activités et ce travail sert désormais de base aux forces de sécurité et à la préfecture pour tenter de faire évoluer la situation.
LES DISPOSITIFS RECONDUITS EN 2015
Le plan «anti-cambriolage» déployé en juillet 2013 est à toujours maintenu de même que les dispositifs «voisins vigilants» à la demande des communes (même s’ils ne fonctionnent réellement pas dans tous les villages où ils ont été installés) et de l’action «tranquillité vacances».
Les dispositifs préventifs en partenariat avec les maires (comité local de surveillance et de prévention de la délinquance, police municipale) sont également maintenus dans les 15 communes qui s’en sont dotées, pour analyser localement les phénomènes de délinquance et y apporter des réponses adaptées.
Le procureur veut également donner vie aux dispositifs signés avec les communes comme la transaction et le rappel à la loi.
QUATRE ENJEUX IMPORTANTS.
1. Les établissements scolaires. «L’éducation ne doit pas être pris en otage», dit le préfet. Une réflexion est engagée avec le vice-rectorat et le conseil départemental pour ouvrir les établissements plus tôt, et réfléchir aux transports pour déposer les enfants qui viennent en bus à des moments et dans de lieux qui limitent les possibilités de troubles.
2. Les relations avec les mairies. «Dans la lutte contre les violences, le partenariat avec les mairies et les polices municipales est un enjeu majeur de sécurité publique», indique la préfecture. Mais «l’inaction actuelle de la plupart des municipalités» est clairement dénoncée. Pourtant, les élus locaux sont un maillon essentiel face à la délinquance, le préfet recevait d’ailleurs 15 maires ou leurs représentants vendredi en fin d’après-midi.
Ainsi, la préfecture souhaite que les municipalités planchent sur la mise en place de dispositifs d’éclairage public et veillent aussi au changement des ampoules… Ce week-end, une nouvelle fois, le rond-point du baobab à Cavani était plongé dans le noir. Ces dispositifs sont des préalables au déploiement de la vidéo protection.
3. Lutter contre les violences sexuelles et intrafamiliales. «En donnant le droit à la parole, nous donnons le droit à l’indignation collective», explique le préfet. Joël Garrigue, le procureur de la République souhaite qu’on se dote, à Mayotte, «de structures pour accueillir convenablement les victimes, pour être à la hauteur de la douleur qui est la leur».
Un nouveau numéro d’urgence devrait être transposé dans notre département : le «119» sera dédié, comme en métropole, à la prévention et à la protection des enfants en danger. Il s’agit d’un numéro gratuit qui a pour but de faciliter le dépistage de toutes les situations de maltraitance des enfants.
Des actions d’information et de préventions sur les viols et violences faites aux femmes seront développées.
4. Enfin, lutter contre les atteintes aux représentants de l’Etat. Cela concerne les personnes en uniforme mais pas seulement. Le procureur comme le préfet ont promis d’être intraitables face à ceux qui s’en prendraient aux représentants de l’autorité et aux personnes chargées d’une mission de service public.
Et puis, tout de même, la nouvelle équipe du conseil départemental est attendue au tournant en 2015: va-t-on enfin voir une politique sérieuse en direction de la jeunesse ? Pour mémoire, en 2014, un tiers des personnes placées en garde à vue à Mayotte étaient des mineurs.
RR
Le Journal de Mayotte
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