CARNET DE JUSTICE DU JDM. La «Roussette» a désormais un visage pour quelques-unes de ses victimes. Elles étaient cinq à avoir fait le déplacement pour l’audience qui jugeait du sort du prévenu en comparution immédiate. Celui qui cambriolait la nuit, entre deux heures et six heures alors que ses victimes dormaient, a été interpellé le week-end dernier, et placé en détention provisoire. Il est donc arrivé encadré de gendarmes ce mercredi après-midi au tribunal de Mamoudzou.
Assis à côté de ceux qu’il a dépouillés, l’homme de 33 ans se lève à l’appel de son nom, suscitant bien des réactions dans la salle… «Il ne pouvait pas être tout seul».
Le même mode opératoire
La «Roussette» devait répondre de neuf cambriolages. Le premier à Bandrélé le 6 décembre 2014 : un ordinateur portable, un appareil photo, une tablette. Il est entré en arrachant une grille et en coupant des barreaux.
Puis du 9 février au 18 mai 2015, les huit autres cambriolages se sont déroulés à Mamoudzou. Il s’est approprié des télés, des ordinateurs, disques durs, appareils photo, cartes bleues, documents d’identité, des lunettes, des clés… A chaque fois, il cassait ou descellait des nacos (fenêtres à lamelles) ou il découpait des grilles de protection sans se faire entendre des occupants plongés dans leur sommeil.
Un seul de ces cambriolages n’a pas été «consommé». En décembre, il est mis en fuite par une de ses victimes qui s’est réveillée.
Pour nourrir sa famille
«J’ai fait ça pour de l’argent, pour faire manger mes enfants. Je n’ai pas de boulot, j’étais obligé, je ne trouve rien. Mais jusqu’au mois de décembre, je n’ai jamais volé», explique-t-il à la barre. Son parcours et son casier judiciaire racontent pourtant une autre histoire.
La «Roussette» a quelques heures de vol au compteur. Son casier comporte cinq condamnations déjà anciennes, des vols aggravés qui lui ont valu au début des années 2000 des peines de prison ferme, entre 6 mois et 2 ans de la justice des mineurs. «Ensuite, on se dit qu’il se calme. Mais non, il arrête parce qu’il est en prison», remarque le procureur Léonardo… Et puis il y a de longues périodes où personne ne sait ce qu’il fait. Il apparaît, un temps, comme domicilié à la prison de La Réunion, mais le jeu des différentes identités lui assure une certaine discrétion, sur des périodes évidemment troubles de sa vie.
Les clients, ces recéleurs
«C’est votre métier de voler, vous ne faites que ça entre décembre et le mois de mai. Mais il faut un débouché quand on est commerçant… Qui achète ?» demande le juge Ballu. Le magistrat n’obtiendra pas de nom mais une chose est sûre, la roussette ne brade pas ses prises. Chez lui, un ordinateur vaut 350 ou 400 euros. Seule la valeur d’une montre Breitling lui a échappé. Il avait indiqué aux policiers l’avoir donné à un enfant. Face aux magistrats, il a affirmé l’avoir écoulée pour… 90 euros. Le recéleur a fait une bonne affaire.
Au moment où les 5 victimes présentes prennent la parole, elles sont toutes d’accord pour affirmer qu’il n’a pas agi seul. Il y a des silhouettes que certains ont aperçues, des traces de pas ou de main qui suggèrent la présence de très jeunes complices… Le procureur en convient mais il concède qu’il n’arrive pas à accrocher des complices. «Il ne prépare pas ses forfaits ? J’ai du mal à le croire. Mes voisins du dessus se sont rendus compte que les barreaux de leurs fenêtres sont cisaillés, comme s’ils étaient prêts à être arrachés», affirme une victime.
Discours et prison… fermes
Pour son réquisitoire, le procureur Léonardo ne fait dans la demi-mesure : «Aujourd’hui, on sait qu’on va tous se faire cambrioler. On arrive à se dire, ‘j’espère que je ne serai pas chez moi quand ça m’arrivera’, ‘que mes enfants ne seront pas là’. Nous mettons des barreaux toujours plus gros aux fenêtres. Un de mes voisins installe une porte en fer. Bientôt, des gens créeront des milices pour se protéger de personnes comme lui. Et ça, c’est catastrophique».
«Je ne peux pas demander la moindre clémence dans ce dossier», explique-t-il avant de requérir 4 ans de prison ferme.
Le tribunal tranchera pour 3 ans ferme auxquels s’ajoute une année de prison avec sursis ainsi que des obligations de travailler et d’indemniser les victimes.
Quant aux dommages et intérêts, le tribunal a attribué aux cambriolés entre 500 et 2.000 euros pour les préjudices matériels et entre 500 et 1.000 euros pour le préjudice moral.
La «Roussette» est maintenue en détention, avec la certitude qu’il ne volera plus pendant les trois prochaines années.
RR
Le Journal de Mayotte
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